vendredi 20 mai 2016

Le Retravailleur de la Mer


L'Estran n'est pas un œsophage
(dans l'ensauvagement de sa plage)
Ou est-ce sa vocation ?


C'est l'histoire de la bande d'un film dont on avait requinqué la trace, le récit d'un estran sur lequel les pauvres tiennent salon,
Et l'amorce de la saga d'une maison de riches de grande race qui symboliquement mordrit tous ses Absalom.
Salons de fauves.
Maisons de triche.
Tric Trac du plein ciel rabatteur, silence des jeux de whist intérieurs et solitaires.
Plaisirs interdits encore sous la forme de friche,
Ébats carnelés prêts à partir en vrille et faire boucherie dans la baie des alcôves.
Frêles esquives des mères démontées, 
Absence totale de vengeance du vent sur la frange de sables imbibés
Du sang de ces nouveaux Curiaces,
Anse propice aux records de vitesses sédimentaires
De la cadavérique omnipotence du Pater Familias.
Belle ville de Marquise, exquis pôle de d'Urville-Dumont,
D'Humour vos beaux cieux sur la banquise marrir me font.

Ma Loute déclasse automatiquement. Ne dirait-on pas aussi qu'il déclassifie d'un seul regard plénier les cold cases des archives du sable, que c'est lui le vrai policier, l'intouchable limier de la détection des apprentis Iourodivyé et autres fols-en-Christ moulés à la louche puis ébarbés à la pelle dans la profondeur géomètre des cieux, lui qui les prend à leur ruse, ras la bave déjà gelée sur la paillasse de leur barbe alors qu'on les expulse comme des pépins de rainettes hors de leur claustration russe, retournant une fois de plus à son non-profit le message de Dieu ?
L'inspecteur gravos est prévenu, lui le gaz de sainteté rare, l'enveloppant considérable, l'Orang-outrant les bornes des borinages du créateur, orpailleur de sa propre corpulence, joufflu des mille gammes de l'hélium, zeppelinaire des eiders de l'oreiller psammophile, trimbaleur de la pesanteur et grâce du monde sans schofar ni bélier dans la baignoire de la Renault Torpedo 1913, playtimer perdu dans le trafic des chambres à air et le recel des roues à aubes battant les lymphes aux tempes du noroît.
'Outré', 'happé', 'glaçant', 'hanté', André, monsieur Van Peteghem, l'Homme-Esché, le Ver-Homo, l'Ecce-échu, l'ingénieur des vecteurs égaux, l'aéroplagiste-voicifié, en fait la remarque à son cousin idiot pascal de beau-frère, voilà des mots à la mode que l'on rencontre partout allongés tels des naufragés sur le rivage des blogs tandis que l'auteur du billet, entre petite bite d'une poire et fromage de tête d'un long couteau, voudrait rehausser le volume de l'écholocation de ses torpilles monotypiques qui ont coulé, depuis beau leurre, les Durande et les Astrolabe du verbe de Victor Hugo, plongeant les sporadiques Déruchette, encore vivantes après lecture, dans une navrance intégrale, leurs poumons de limande crachés sur la page autophage, orbites déchaussées, une main torpide sur la souris parant l'enfouissement numérique de ce modeste graal.
Dans les ricochets éphémères d'une conversation provisoire, les deux hommes, visionnaires sur le pont du balcon mirador embayé, surplomb du plateau des Croquets, font semblant d'asticoter le père Hugo. Le spectateur repère un fond de respect classique, rescapé de flottantes humanités, dans les cisaillements élastiques et saliveux de leurs mâchoires qui mastiquent l'air parqué, immobile mais dont les brins vibrent, au-dessus des bas-morceaux des bas-marais talonnés par les sphaignes engrossant les mollières.
Ma Loute se tait en langues, parle intérieurement l'évène ou le lamoute à volonté, dégraisse les mots qui craquent dans les digressions du silence.
L'afflux des tanins noirs donne à ses yeux des reflets étranges qui paraissent apporter de la chair aux visages de ceux qu'ils détaillent.
Héros verniens, tous les acteurs ont des lorgnades de verre sous la cataracte des prolétaires manoeuvrant les cargos des Chargeurs Démunis
L'observance de la soumission des moules au processus immémorial du filtrage des eaux l'aura sans doute habitué à manifester tant de force dans la scrutation lapidaire des faibles capacités de focus et de zoom de la part d'autrui, hypothétique hippocampe de Troie, c'est un pénétrateur des tissus cellulaires par la porte dérobée de leur logiciel oculaire.
Pré-capture à l'œil sous les nuages de Boudin. Mâtures et gréements du deuil. Peinture au seuil.
Si Ma Loute supprime le trait de côte à la cage thoracique de ses jeunes victimes, il conserve le sel majeur du souffle de la zone tidale à leur diaphragme afin de garder précieuse la circulation sanguine garante d'une fraîcheur aimable et douce. Déroute et ruine des sentiments dégouttent indolemment dans les caniveaux invisibles de la pré-cuisson, toute relative puisque la sève des membres humains n'est jamais meilleure que sucée à même sa crudité translucide, le rose, aux pommettes émis, s'acharne, insolente délicatesse, à combattre les effets de pâleur des chromatoses enfuies dans la nacre du jour évadé des joues. Les muscles restent pneumatiques dans les transports douloureux, le jeu des soupapes dans les lamelles du cœur doit être calculé au millimètre afin que le volant moteur s'éteigne sur la planche de son propre élan au grand finale d'une ultime expiration devant la cuve du froid chaudron au fond duquel se dissolvent les levures du charnel que l'on dit défait, tissures de la peau, pulpes des os, les terminales images du cerveau luttant farouchement avec le bras des souvenirs benthiques armés de ventouses.
De ducasse en kerkmisse, des falaises sauvages de la Côte de Fer en caps dunaires et estuaires de l'antique Manchue volatilisés dans la mer, l'œuvre de Ma Loute s'inscrit dans une tradition strictement buccale, comme pour les autres épopées stomachiques du passé, rien de neuf sous le seuil des vieilles tectoniques rencognées dans les plis inédits de la pudeur des pannes. De Berck à De Panne, passe la faux du héros à pompon, draconien matelot d'une insaisissable carcasse Potemkine, sombre, assourdie, ombre. Le quartier-maître Ma Loutonov, Borets de la Sébastopol opale, prend sur lui de placer le ver dans le bruit, pour faire pourrir au plus vitre la bidoche du vacarme et pousser les claquedents à la grève. Devout NuitDeBrou, dévots des bipèdes bouchots, ces gens qui se livrent d'eaux-mêmes dans ses bras, comme des nourrissons affamés de beautés dans un landau, lui font des vacances. Une sorte d'épongé-payé qu'il n'a plus à extraire du produit de la sueur enterrée dans les rides retranchées à son front de béance.
Dormeur debout du val, à bout portant Mörder de Dumont, faiseur de Villequier aux drames coquillers, Sommiste des détresses défigurant les paysages du Gotha, en aval, en amont, Malo-Terminus, du Touquet à Scheveningue, dîmeur du terminal-malus pour le véhicule des âmes, dans le brûlage des champs assureurs du loup cervier des premiers de corvée, tout du vieux monde décède, tout doit ailleurs reparaître injecté depuis les pistons éculés d'une nouvelle seringue. Spécialiste de la mort lente, noire, rouge, d'un blême proclive pour finir. Cordes sensibles s'entretenir, chanterelle du chant du catalogue des femmes, anneau de proie scellée, Aude s'enfonce dans le schorre à canons. Sainte Débarras laisse pulluler les poils de barbe à son menton pour ne pas se faire voiler. Exterminatus est. Toute chair part à la voile.
Les draps quittent le Revier, en mai 2016, même les conseillers de l'Élysée partirent en scierie, les riches n'ont plus que leurs rêves pour copuler avec les Monte-grues, les pauvres, leurs cauchemars pour monter dans les mutiques aigus et gueuler à l'intérieur, alors qu'ils découpent à la machette le canal médullaire de leur chapelet. Devrait-on leur rendre la parole ? Le feldspath brûle. Les spectateurs, voyeurs formidables du peuple de gauche qu'ils jouissent de voir s'ensabler dans les rigueurs molles de la tangue, sédiments avaleurs de la société des vasières républicaines qu'ils contribuèrent à étaler camouflées en miettes de pain sur leur chemin d'accenteurs, gloussent comme des gorets coiffés à la vision d'un prêtre littoral qui semble faire des jeux de mots vasouillards au moment de croquer les chamans intercesseurs de bonne récolte. Je ne pense pas (bien qu'il souffle dans ses entretiens le chaud et le froid en ce qui concerne les notions de tact, de gravité, disant préférer aujourd'hui par dessus tout s'en remettre à la puissance de clarté du comique de situation, et sacrifier aux bons génies du slapstick faiseur de la pluie du rire, propre de l'estran de l'Homme, tout en rappelant son amour pour le grave et l'esprit de sérieux nécessaire dans le relèvement du fantastique défi technique et artistique, la torsion du métier des acteurs pros, qu'imposent un tournage) que Bruno Dumont donne les clés de ce genre de lecture infantile, le mec étant d'un autre niveau, d'une autre exigence. Les prêtres (rappelons-nous celui du P'tit Quinquin), sont peut-être des clowns, et d'ailleurs ne trouve-t-on pas cela très bien lorsque les pensant-délicieux de la bienséance progressiste observent en anthropologues amateurs les medecine-men de la culture Hopi par exemple, mais ils sont aussi-là pour témoigner de la haine tenace dont sont destinataires tous les catholiques de France, Dumont, d'un coup sec, ne découvrant que le linceul de la parabole monstrueuse de l'image d'Épinal que l'on veut bien apercevoir encore de l'éthique chrétienne contemporaine, même si je n'exclus pas que dans son équipe certains soient d'accord avec ce reflet et doivent se marrer de bon cœur avec les ouailles moqueuses majoritaires qui bêlent de conserve depuis des décennies).
C'est cela que nous tendent les scènes où les curés jouent les panouilles plus souvent hors de leur four à santons qu'à leur tour, la réverbération exacte de l'éclat du culte pour la ricanerie devenue principe actif culturel à nos yeux. L'Âge d'Or de l'Homme retombé Âge d'Argent pour l'Enfant. On se fiche des houillères du gore, présentées comme un paysage en soi dans le film, un gisement, puits artésien des turpitudes cachées des grands bourgeois, comme de sa première palette de porc. (Fear The Walking Dead le commet déjà, et Raph ressemble de façon troublante et Grave à Julia Ducournau.) Billy et Aude, d'autres personnages peut-être, ont beau s'offrir en holocauste, c'est bien le spectateur assis dans la salle qui est visé par l'hélice de la rame, le Dépassionné complet, l'Homme qui ne sait plus ce qu'est la souffrance, ce que cela veut dire de quêter puis forer dans l'épaisseur ou la légèreté le minerai d'attention qu'il doit au monde. Qu'attend-on de lui pendant que l'hôpital du rictus se loue à la Caritas du rire ? Il observe avec une volupté rentrée les Sans-Dante se voir pousser les dents du bonheur au boulevard du crime, les Thénardiers défriper leurs poupées et les bâfrer à la sauce de l'Auberge Rouge. Necessitas fait loi, règne la triple Ananké, les nouvelles messes votives de la fatalité picarde et du Mektoub nordiste déploient leurs filaments de Byssus sur le trivial plateau rocheux et son gainage à contre-fil. De Sangatte à Audenard la famille Brufort dit en avoir assez de se casser le dos sur les bancs de moules sauvages, regards cauteleux fermement agrippés aux prunelles, elle redresse le squelette des bouchots de l'ombre et part à la pêche aux frères de la Côte, poissons du trépas, pour le dire comme un chanteur français, membres disloqués de la secte moderne des Tous Mourus
Les épaules glissantes sur la panne du dos, les reins amples comme le cul d'une ampoule ventousée sur le derrière d'une célèbre photographie de mademoiselle Béart, hanches presque bombantes, Billy Buddy est bien un garçon dont les bordages du corps se font dépasser par les délicieux cordages d'un mât de fille. Qui s'est laissée harponner par le Matelot Loute. Et faillit en mourir, pourtant leurs sourires ne balbutiaient pas, les filins d'acier ne les retenaient pas à la grimace du masque des apparences, les cheveux d'Absalom ne les emprisonnaient pas dans les saulerons, les Salix rampants les laissaient jouir du franchissement de leur Jourdain flambant vierge. On entendait de loin leur estranerie qui plantait-là toutes les scies des anciennes bergeries et autres séniles pastourelles.
Aude par Juliette, c'est la Binoche qui retrouve les comédies de sa jeunesse, le cri de son théâtre primal, celui du Jeu de la Feuillée d'Adam de la Halle par exemple, qu'elle interprétait avec ses parents. Ceux qui lui reprochent la poussée de son action dramatique vers les cimes du ridicule ne l'ont jamais vu jouer sur scène, plus que paraître victime passagère d'un cassage de gueule en règle de la profession d'acteur que proposerait par la bande l'amiral Dumont (et que Ciment jadis exécrait), c'est la mise en danger de tout son être de comédienne qu'elle expose avec les balancements d'une lampe-tempête (y compris dans les prises faites par Arte qui n'a pu s'empêcher d'aller chasser le gros gibier dans la capture d'un making-of lourdement imposé moufles aux mains). Qui pourrait mieux disséminer la vapeur de l'âme dite russe que fait monter (et souvent renverser) le réalisateur dans ses films ? Grâce à son interception séraphique et dingo, Chez Ma Loute devient un foyer, un autel de restauration lapide. Indécelable caillassage d'ex-voto qui nous éprouve icônes comme chez nous, en plus de nous promener par le flux des processions filaires bigouden de Jean Epstein, non seulement dans les images de Lounguine (Ostrov) et Zviaguintsev, mais aussi dans les nouvelles de Tourguéniev et Bounine. Spacibo balchoï Djoulietta. 
Enter Ensor. Personne ne sort indemne d'une Ostende qui ressemble à l'aube sur le fort de Carcassonne, à l'inverse d'un mal d'aurore.
Le personnage joué par Luchini déraille à plein tube dans la locomotive de tête du train de vie d'un bourgeois pathétique affligé d'un morceau de Polichinelle incrusté dans l'omoplate qui sourdement l'entaille et qu'il aurait par inadvertance remisé dans le tiroir à Charbonnages de France privatisés de l'armoire de sa sœur. C'est peut-être aussi le cabotan d'Amiens qui singerait Régis Debray (coupe crew cut à la brosse, période post-tricontinentale, avec une pilosité moustachant de vieux souvenirs bivalves divinement cubains, le Réplicant est frappé) lorsqu'il atteint ce point d'ébullition d'une résipiscence native que l'on aime tant voir subir la torture chez lui. La vieille bourgeoisie de robe universitaire en prend toujours pour son grade. Elle adore les cottages égyptiens débonnaires et les repaires aux allures de castels dans la fonderie de l'arrière-pays luberonnais. Et ce n'est que justice populaire qu'elle accepte cet implacable traitement cinématographique. Choix de l'exposition de son côté humble au soleil de sa faconde prosternée, sans doute. Semper Fidelis à cet avide amour de soi, sûrement.
Dein Auge hält so still, yeux bleus comme une pluie de chats, de chiens, comme un orage de varans, de lézards. Aimez-vous déshabiller de caresses Van Velde pour vêtir le cerveau de Brahms à coups de rames prises à vos flobarts ?
Saint-MaLoute, pirate des gentils jambons anglais épargnés par Jean Bart. Refaire petit pissou pour marquer toute la méritoire intrusion du biseau salée de la Slack sur le territoire du Dogger Bank, bien fendu comme le sexe d'une danseuse comtesse au corps-nu-sans-tête. Tu avais un super crush d'amour pour la béguine Billy, Ma Loute, maybe your belly daily ached dans toute son aboulie ? Océan de la déesse seulette. Tu la portas en mer comme un Viking mène en barque de jaculation sa sati. Les Sauveurs de la der des ders, les pompiers des iris en feu, n'y ont vu que son vœu et n'ont rien compris.
L'inspecteur Machin meurt à la fin. Il reçoit l'onction de trois tirs de pistolet dans son enveloppe de caravelle. Chair à voile, carnaval des guillemots, gens des oiseaux. Oblation sur le cordon dunaire, paroisse digne de Pagnol, d'une froide bartavelle. Extraction cruciale. Résurrection livide en petit pingouin torda sur les terres blanches des serres de Baffin.
Sauvagines à la sauvette. Plans sur les visages fous de Bassan des pêcheurs de Catane. La Terre tremble jusqu'aux pieds des Malavoglio de Verga. Surtout à ceux des personnages de Visconti, plus beaux, moins soucieux. La jeune Mara, benjamine des trois sœurs, ressemble comme deux gouttes de sang bleu à Blanche van Peteghem. Gemmes de l'histoire, rencontre volante d'un aréopage de Dames des Flots du Pas-de-Sicile dans les mêmes attitudes géomagnétiques aimantées par les traits du Nord, le cinéaste est tenu de toujours montrer que les forces surnaturelles appartiennent à chacun pliées dans la quarantaine et la proscription du cahier de ses désirs, de ses perspectives, qu'elles surgissent dans la pentecôte du blanc de tous les matins, carême des quarantièmes ardents. 


Ripple-marks sur les corps
en allant vers la mer et le ciel
dégonfler les anges martyriels
dangereusement exposés au-dessus des ports.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire