dimanche 1 novembre 2015

Kamakura Express

436_ Sweet Sisters' Morphing


À une fan absolue de l'Ozu-san 

My mu is your 'd rather not to not to move
Your Be is my nothingness about to see pure blue
A constant feel free falling into an inner ionic nu
Leading to you, harnesses on a rove
Still mauve meander-man without a clue
Your perceptive Do does not need address to prove
Le grand geste et souffle de l'esprit qui trouve
Sans mentale jonglerie le passage du nuage et dénoue
L'Empierrement mou de la nostalgie
Discontinue
Qui emmura vivante l'ère Meiji
Dans les chemins de ronde d'un rail mandchou

 スカショ:
Écouté dans le poste un critique taguant l'auteur de Notre Petite Soeur de faiseur de chromos, d'illustrateur de panneaux fusuma inspiré par des restes d'affiches tombées des cartons d'un vieux rescapé, star de l'école Hara ou mieux, de celle de Kanô, pourri d'honneurs par les jurys d'un Edokoro de France et de Navarre. Un petit soufflet entre les lamelles de l'armure du samouraï de la publicité japonaise Kore-eda, le spécialiste des commercials aux couleurs pétantes, sans doute, les journalistes aimant bien sortir les pouces et appuyer à l'endroit où cela est censé faire mal (les premiers doigts dressés sont un signe de mauvais augure au Japon), pour creuser un trou entre les karuta et la brigandine de la côte de maille. 
Je pense que l'oeuvre du cinéaste japonais pare cette attaque et fait rouler les assaillants dans la sciure de leur propre conscience extralucide, réduite aux aguets comme celle des chefs de gare. Le choix de la jeune Hirose Suzu (même prénom que son personnage de petite soeur de quatorze ans) est peut-être déjà un énorme clin d'oeil-chink-in-the-armour, peu visible pour les gaijins, puisqu'elle est une actrice de spots de pub très prisée par les agences du pays. 
Les Trois Soeurs (autant en emporte leur Kaze dans le chiffre quatre, Shi, synonyme de mort, puisque Sachi, l'aînée, utilise le terme Yon lorsque les filles se réunissent dans la maison cernée par l'absence des sylvains et des faunes) vêtues de noir-cherry-jay (on voit se refléter pendant quelques secondes sur l'élégant sergé de leur costume les visages pâlis des trois frères de Akibiyori, Fin d'Automne, le film d'Ozu de 1960) notent bien les choses du Japon d'aujourd'hui, celui des garçons qui ne s'engagent pas (vrais Hommes fantômes, que la peinture du passé ne pouvait décrire que comme des femmes, sujets traditionnels renversés par les images du film grattant les écailles de l'actualité), la jeune Suzu pouvant elle aussi nous renvoyer vers la Venise d'un Visconti gravant, cette fois-ci dans les rivières rouges du cuivre blond teignant les sables de la lagune, la nouvelle du grand Mann, lorsqu'on la voit dans ses habits d'écolière, petit marin de péninsule habitant la montagne magique des détritus de souvenirs qu'il faut gravir chaque matin dans la brume des fondamente et callette grises comme les traces de mémoire effacées par l'architecte John Baxter, noires comme celles laissées par sa femme Laura dans le film de Nicolas Roeg, léger hybride d'un Tadzio bruni des rayons du soleil d'Ise ricochés à Trieste, ou peut-être simple revers d'Andrésen qui vécut longtemps au levant, la musique de Yoko Kanno rappelant, adagietto, dans les précipités harmoniques de son Sehr Langsam, la IV de Mahler (un peu quand même dans le piano.) 
Puis vient la référence suprême, celle dont la balle de maquillage doit faire mouche entre les deux yeux, les plans patinés de fond de teint plâtreux de Notre Petite Soeur dégoulineraient de l'ancienne palette de l'Ozu-sensei. Comme si Kore-eda ne savait pas que le maître fût enseveli dans le jardin de l'Engakuji situé à Kamakura sous la dalle d'un Mu aux non-remuements réflexes toujours nuancés ... 
Si Ozu était un macérateur-né des sentiments glissés dans le cadre des images comme on fait coulisser dans le washitsu, enténébré par la mue de filaments des ombres sinueuses, les panneaux agglomérés de papier épais séché au soleil de 4 heures du matin ou fibrés de bambous ancestraux de la forêt orientale de Kyoto, Kore-eda paraît filtrer un flacon d'hydromel de vin de prunes, non plus à partir de l'inerte chorégraphie des remous internes du corps mental sur son noyau, mais depuis l'essence des visages aux reflets blancs pétales très placidement plastiques de ses héroïnes dont l'héroïsme caché consisterait à chercher en vain l'héroïque dans la vie, par des plongées de la caméra au stylet subtil, non perforant, dont les touchers de duvet les scarifient à peine, préférant condenser la largeur des focales, de celles choisies lorsqu'on veut rendre l'expérience d'un paysage. Ses contre-plongées écarteraient de la même façon l'idée d'enfermement, flottant dans les pièces dépressurisées par les tremblements de l'avenir qui s'afferme absent plus que rétif, sans qu'il ait la possibilité d'infiltrer de ses salpêtres la vieille maison des filles orphelines, un lieu prêt à se signaler aux feux de l'affection des Otakus que les dieux Lares du pays déclarent de moins en moins devoir traiter comme des sujets maladifs.
C'est peut-être exact qu'au Japon la sensation masculine, à l'image des centaines de milliers de maisons inhabitées, serait désormais vacante, déserterait la place. Les gris de mer du Nord, les verts olive et les rouges passés, plasmas aspirés ou crachés par la caméra de Kore-eda auraient-ils été fixés-là pour soulever les opercules d'un pays, à la respiration de carpe séculaire, comblé des gaz rares d'un oxygène antique recouvert de feuilles de bulles d'or, que l'amour de l'eau et du sol enlace, qui se rêve comme une immense ville-Musée, livrée à ses muses et ses amantes, ainsi que s'y résolut Paris selon certains, alors qu'il est déjà peut-être tel depuis le shogunat Tokugawa ? 
J'ai vu le film à l'extrême fin de l'été dans une petite salle d'Osaka. Un carton d'audience au Japon, le fait qu'il soit sorti tout frais imprimé des planches d'un manga célèbre ne nous expliquera rien. Kamakura est un ancien lieu de résidence de Kawabata (toujours lu ici), qui connut lui aussi une jeunesse déchirée par les deuils. La mort ne le quitta jamais, c'est sans doute la chose qu'il a le plus aimé contempler, même voile transparent décalaminant le vent des cerisaies alanguies comme les calmes précaires des baies adriatiques qu'allonge la lumière de midi sur la peau des femmes, même battement muet sur les parois de son coeur des volets de la camera obscura du vingtième siècle.