lundi 15 juin 2015

Découverte d'une source de la rivière Blanche peinte au lait d'étoiles (Vincent, Gauguin Paul, Antoine et les Autres)

27 octobre 1887, 96, rue Blanche
Théâtre des illusions, libres d'écliptique
dans la grande roue
des tombereaux de plâtre en avalanche.
Du passé, Montmartre comble les cavités plastiques
et bouche les trous.
Les Arts sur la science tiennent leur revanche.
La matière sombre n'existe pas pour les peintres roux
et la machine à souvenirs est beaucoup trop élastique
pour les télescopes branchés sur l'univers, étanche
 à leurs paroissiaux rochers et sauts-de-loup,
comme des moules à leurs filtres de lamellibranches.


À Céline P.
400_ Gauguin begs to decipher.
For him dark matters.

Le spectre des galaxies les plus brillantes
explose, ventre en l'air sur l'océan noir qui vit jaillir le vrai Lucifer
des atomes de fer,
la plaque de verre d'une scintillation des moins coagulantes.
Le Parisien d'Hiva-Oa glisse à l'oreille de Vincent qu'il faut partir, toute affaire
cessante,
à la recherche de cet essaim de gypse dont le ciel a relevé la herse.
Sombre amas de météores, lactescente pluie d'étincelles, seins de mille célestes mers,
peu importe le taux horaire zénithal de cette nouvelle Perse.
[Les pupilles irradiées par une descente dans les entrailles de Des Esseintes, Van Gogh l'écoute, Vincent l'entend. En l'absence de l'absinthe les liquides encens d'un verre de vin de Madère desserrent les cercles concentriques de l'Enfer. Á rebours du Limbourg lutécien, en révolte contre ses moulins aptères sans chevalerie, impossibilité d'empocher moindre galette à leur échouerie, partir sur la route, ne plus montmartrer, gagner les levains et élever les croûtes, sillonner nos radiants intérieurs, retourner au frère-envoyeur tous les effets d'optique des anciennes théologies (que quelque chose pourtant dans son coeur aime encore à la folie.]
En cette fin d'automne 1887,
cela fait quatre-vingt cinq mois que Rimbaud
laisse choir dans le vide le socle de l'Europe élégante.
Par un vol direct d'avocettes
aux longues pattes bleues, (ou peut-être en paquebot,)
il atteignit la rive de l'Afrique et sa lumière blanche, fusant à la côte par d'originelles fentes,
favorite des ascètes.
Corps noir et luminescence depuis se livrent combat
jour et nuit à son brûlant chevet.
(Mon Dieu qu'il fait chaud dans ce pays où même le wombat,
sobre comme un chameau, succomberait à la soif
si la faim de construire
un terrier pour sa femelle, et son petit à instruire,
son âme, de volonté solaire comme un système, ne parachevait.
)
Cela prêterait-il à sourire, échevellerait de sarcasmes les coiffes,
royalement qu'il s'en taperait.
(Ce n'est pas chez les Farah au champ d'honneur du jardin d'Ibrahim Hassan Ali à siroter des Gin fizz rincée d'eau de Selz à osmose inverse qu'il tomba.)
La couleur blanche du risible
vue par l'oeil humain n'est que la combinaison des longueurs d'ondes d'une partie du visible.
La caillasse de l'horizontal mont Aravis
éclate comme le blanc-bleu de la mer d'Argentine
même la pierre romaine refusa serrer la vis
Petrea au-delà des Libye diamantines.
Gauguin tire sur sa pipe qui fume comme une excavatrice à vapeur
creusant jusqu'aux nerfs le sillon
d'une vague terre vierge canon
d'un mortel canal.
Il est à vif, la Martinique est loin
s'échappe à mesure le Pays Bigouden,
Adieu Penn' March et cap Caval,
il en a bavé des ronds de Panama mais sous sa gorge aucun fanon,
ses forces sont intactes, son visage marque les traits de la puissance
du Perche, l'évent de ses naseaux en remontrerait à n'importe quel cheval.
Vincent le sent, Van Gogh voit son sang.
Il voit une île se déplaçant, un tsunami d'Ouessant,
roue de roches en fusion renversant les laves
sur le chemin des abers glacés, serfs de son génie aux griffes pour l'instant
toujours rétractées, retirées en un bouillant conclave,
réfléchissant à de futurs dépeçages.
L'Eden arabique d'un Arles pris dans les marches liquides
de l'arc rhodanien devrait lui plaire, pense-t-il,
Il faudrait que je lui en touche un mot un jour que le grand squid
qui barre la masse des spermaceti de son mental de cachalot le laisse tranquille.
La vitesse de sédimentation des galaxies de la franche camaraderie est proportionnelle à leur résistance à mettre de la distance entre les archipels sur la grande Manche.
Van Gogh le sait. Depuis qu'il est à Paris il a commencé son décalage vers le rouge.
Il trouve qu'il n'y a pas de centre.
Le sur-naturalisme, le proto-néoréalisme, Voie Lactée de la critique, ne sont pas les lieux privilégiés de l'univers de la peinture, sinon autant s'aplatir devant le couteau, s'infliger tortures à la gouge.
Il éprouvait, en écoutant Gauguin, la dilatation de l'espace et du temps des artistes,
Ventre de Paris, ou même à son bas-ventre,
Halles des viandes de l'amour, agapè à l'amarre dans la canche tressée, vaisseau des arènes et forum de Lutèce que glaives éventrent,
dans la récession comme dans l'expansion, l'amitié devait bien garder quelque part au frais les lignes de son champ électrique.
Être en face de Gauguin lorsqu'il parlait, c'était devenir Louis XVIII subissant l'attraction révolutionnaire,
comme un éclair rompu, soumis à l'effet de pointe de son paratonnerre.
Il voudrait lui présenter les lettres de change du chartiste
atavique secret qui habite les lacets de son coeur batave et ses détours piézo-archivistiques,
Vincent porte la zébrure d'un accent.
Dos au mur dans la cour du petit immeuble d'André Antoine,
à leurs épaules calées contre le grand dehors de la rue Blanche,
les convives ressentent vibrer la membrane volatile qui s'évaporait de l'atelier du chasseur collecteur de sporophytes d'avoine,
de grains de café,
et de carpocapses des euphorbiacées.
Rue Fontaine, André Breton n'habite pas loin
dans un antre que tapissaient tous les lointains
qui le retranchent
du Museon Arlaten mais non, affirmait-il, de l'Aden au mystérieux alambique
découvert et reconnu par Rimbaud seul sans ingérer beaucoup d'opiacées.
La caillasse écrevisse fume le mont Analogue
c'est un sol de Compiègne plus dur que le vol
de pierre d'essaims de Stukas sans décalogue
à jeter sur Bir Hakeim, désert de remoles.
Il voudrait faire du blé,
chacun veut sa photographie,
on viendrait de Thustra, Arrakis, atterrirait même le peuple Sephi.
Ne leur coûterait qu'une guinée,
une pincée d'épice.
Comme pour Vincent,
cela le changerait de l'autoportraiture,
John Peter Russel est reparti en Australie.
Georges Révoil a vu des traces grecques et romaines sur le sol,
aujourd'hui on cultive des silex sur les os des morts qui somnolent.
Rêve à la côte des Somalis d'une nouvelle Nice.
De la chaleur du monde faire la peinture,
on ne sait jamais quand s'arrête d'en battre le temps.
Discussion :
Aux aurores de l'Harar, un appareil photographique lui parvient. Un murmure d'étourneaux défripe les éponges de l'aube.
Elles se gorgent de rosée pissant la vapeur du sang que le vent étroit
pince à leurs doigts.
L'aube apparaît toujours côté face, par les tuiles de son bouclier thermique,
provoque l'effroi aux sommets des tentes qui préfèrent abandonner au soleil leur toit, par sombre égard à l'écorchant rien, reliques de frissons inconnus des rois.
Il va falloir charger les mulets du barda de la maison Bardey.
O6h20 du matin, putain comme il ne fait déjà plus froid.
35°, l'air s'est gonflé chaud comme l'hydrogène d'un Zeppelin trop ravi d'échanger un peu les étincelles des orages qui le suivent partout pour un semblant de mirage étouffé par les nuages humides de quelques ombres.
I'm on fire, spill my guts to the wheels.
Arthur Rimbaud, photographe.
La chaleur livide est invincible, réfugiées dans la chambre noire de la caméra les plaques de verre ne savent lire l'envers de l'endroit.
Qui ne donnerait son royaume pour un peu de l'hélium du Graf ?
Le correspondant français de l'Arabie heureuse se demande où sont passés les parfums et les richesses fabulés par L'Ancien Pline.
Peur sur les villes, que la Tour du Silence stride ou feule dans les courants d'air pétrifiés d'anciens spécimens de souffles violents, même installée au coeur d'un volcan, cette Crater a bien de la gueule, c'est l'Aden personnel d'Arthur qui ne colle pas avec leurs attentes d'un éminent Yémen des amen, affiches pieuses d'un commerce digne du Levant déchirant les murs, autre exil, reptiles sur les erres, ils lui bâtissent une croix sur le chemin des douanes d'Abou-Bekr en lui faisant ramasser les morceaux du saint octroi.
Arthur Rimbaud, en semant devant lui les empreintes du vent perdu, retrouvé sur le dos des chamelles aux sabots ressemelés de la peau de fantômes que l'on croyait tués puis vendus aux marges des marchés du passé, resurface la vieille patine de nos écrans au nez et à la barbe des sauvegardes et des disques durs dans les invisibles tempêtes d'une calme résurgence d'oasis disparues. Nous pouvons relire leurs traces à troc reposé. On les pensait troquées pour toujours, elles n'étaient que volées par l'oubli.
Alors qu'elles réorientent vers nous l'axe de leur lumière fuyante, elles nous arrivent en pleine face et nous transpercent. Roland Barthes, cendres transcendées, qui voyait jadis dans les clichés des objets et des êtres morts que nous prisions regarder fixes, noyés dans les ébavurages de cadres en métal, empoisonnés par la consommation excessive de sels argentiques, verrait peut-être aujourd'hui ce passé (qui ne cache pas dire avoir autre chose à faire que triomphalement repasser) vitrer à nouveau la pâte éclatée des nanotubes à images molles de notre présent. Dans la grille conductrice du courant des millions de prises de vues qui se déclenchent dans le laps des instants d'une journée, le retour de ces portraits témoins des visages de Vincent Van Gogh et d'Arthur Rimbaud enseignent que nos cadrages, les photons matés et sulfatés de mille selfies, ne forment que des valses à un ton sur le tain de la danse d'une nouvelle astrophysique unité, celle du miroir-temps. Ils reviennent pleins aux as de l'impression et nous repartons sans rien encrer sur la Terre, ils referont du grain alors que nous accumulerons encore poussière. Nous avons beau faire masse. Ils réimprimeront leurs électrons sur tirage papier dans les négatifs du présent quand nous n'aurons jamais fini de voyager dans les confins à trous positifs qui moulent les crânes aux orbites asphyxiées de nos mirages.


Into the hurricane's eye of dark matter
(qui est une baleine noire
ou une vache sombre)