mercredi 17 décembre 2014

Elle faisait rouler un dé et le jeûner rompait

361__Il bande et donne en un seul essai,
dans un tube au verre épais
dépoli comme le chagrin, sa mâle giclée matinale de satin.
Le soleil n'est pas encore levé sur ce genre d'étrennes,
les attentes sont modestes et vénielles d'où qu'elles couvent.

Il s'étend alors sur ses lèvres pour qu'elles se gorgent d'un sang diamantin.
Ils essoufflent la baise, la noient à toutes ses douves,
et se coulent dans l'empreinte d'une étreinte néoprène. 

Pas plus cette fois ne lui claironnera
le résultat de son spermogramme.
Il gardera pour lui tout ce que clonera
le soupir qui lui transperce l'âme.
Elle lui glisse tout de même à l'oreille qu'elle voudrait, au don de son spermelet,
féconder des oeufs nés en paix, des oeufs nés en paix. 

Elle tape sur le fenestron de son test de grossesse,
son cycle rose n'est ni bleu ni barré de deux traits,
"Est-ce que tout est vaginal ? Et rien d'ovarien ?
De quoi suis-je l'hôtesse ?"
__L'âme du sexe est anonymable, médite-elle
au centre d'une conversation, de cercle caucasien,
blanche comme la craie.

Elle pourrait s'esclaffer en triant
les grains du riz gluant de son sperme en berne.
Mais elle les repeigne et préfère, hagarde,
penser, même si aucune destinée ne la suspend à ce gland friand
de luxure humaine, au plaisir pris à cette mâture terne,
lorsqu'elle soumet au jet de son spermelet, là où le beurre naît,
le blanc de ses oeufs afin de les déneiger en paix,
déneiger en paix. 

"La GPA n'est pas faite pour les chiens,
engrosseras-tu Noëlle la bonne pour les fêtes ?"
se vit-elle délirer dans un cauchemar pavlovien,
"Bien que tes flagelles n'aient plus toute leur tête,
qui peut savoir ce que tes bourses véhiculent vraiment dans leur quête, 
les périodes de Noëlle sont trop inondables bombes,
si tel est le cas, je veux qu'on lui aspire le womb."
__Le nom de l'homme est un anomal, songe-t-elle.

Il y a longtemps qu'elle détend son stérilet en priant
que le café con leche des mitochondries et des gènes
donnera beau mélange d'essence et d'air au moteur des petites graines,
"si la mère, sur le père mets,
l'espoir missionnaire d'une visite de l'ange chez moi renaît", 
se dit-elle, assise au milieu de gamètes réunis comme le pain à la Cène.
Elle observe ses oeufs d'or scythe aux yeux bleus, qui dézonaient
et rampaient, rebondir comme des balles d'ovocytes criant
famine dans les jeux de l'amour du hasard qui remontaient à la Tène,
et dont le jeter du dé le jeûner rompait.

Elle regarde le journal de son taux d'HCG pilotins,
le corps jaune fait encore des siennes
et les apprentis embryons, sur le muscle utérin,
vont et viennent comme dans un moulin à farine de Sienne
"Crois-tu que tu vas m'imprégner ? lui dit-t-elle soudain,
__Me feras-tu m'imbiber de toi sous ton aile ? 

Elle prend son désir de Phébé en vrillant,
als die Realität, sous le sel du ciel 
battant la cible du signe des ailes
d'un cygne blanc digne de la Léda chez elle,
et rêve d'un avenir d'enfants brillants
comme l'or de ses oeufs qu'elle voudrait nés en paix,
si dans la gelée de la chandelle le jeu les germait,
des oeufs nés en paix. 

Le test épiphane est cher / Et trompe Phaloppe Djian. 
"Des Oeufs Nés en Paix", 1991.