mardi 11 novembre 2014

Premiers jets en première ligne

Ashes to hand to ashes


355_ Belle clandestine émission de la chaîne Histoire hier soir vers 21 heures,
mais d'où émettait-elle d'ailleurs ? Depuis quel canal ?
Son très net signal étonnait les plus blasés des ingénieurs
du son à leur tuner,
ils avaient perception fine qu'il filtrait un brouillard d'outre-bombe au terrible fanal.
(Chants de mines étouffés des rêves de l'anti-mémoire. Frichti d'un jour férié. Senteur de fèves rôties comme la fusion noire des rochers, fièvres de kawa fumé dans la cagna. Sous la sape, sonatines du Royal Engineers qui travaillent en sourdine l'ore en barre, l'eau qui stagne se languit de la gnôle que nos gourdes lapent. Silence bizarre dans les tranchées, c'est l'année du cheval de peine mais on mange du rat banal qui lui-même dévora pendant la nuit les acouphènes à nos esgourdes, que l'on prit soin pourtant de recouvrir d'un oreiller.)
Derrière l'ardent Buisson des muettes déflagrations
on voit les mouvements des sons de Muybridge
entrer dans le no man's sound de la décomposition,
il faut prendre d'assaut crête, Hügel et ridge,
les écrivains étaient en première ligne,
s'ils mouraient là-bas, on ne les entendrait pas,
plus question de style ni de musique des signes,
les mots viennent comme ils sont, du feutre sous les pas,
ils ne sont pas là pour faire la conversation,
correspondance de Bernanos, Comédie de Charleroi,
Jean Giono, colline des Eparges, Maurice Genevoix,
Georges Duhamel, buttes rouges témoins et voix,
d'un changement, dans les lointains, de civilisation.
Presque tous s'étaient engagés volontaires,
solennelle volonté de naissance de l'écrivain,
comment l'illustrer à la télévision ?
Peut-être par l'Agnus dei de Samuel Barber,
le prélude de la suite n° 4 en mi-bémol majeur,
violoncelle, instrument moteur de toute lustration,
Poèmes à Lou, dans les commas de Jean-Sébastien,
et la ligne de feu de la redoute aux intervalles contraires.
Difficile d'éviter les pièges de scies tendus par toutes ces icônes,
la main coupée de Cendrars, les croix de Dorgelès,
Sous les obus de Satan, le prête aumônier d'Hippone.
Buisson s'en sort bien, la brume sur-illustrative qu'il délaisse
ne recouvre pas les dits des écrivains,
une façon de remettre des pilotes dans les drones
qu'avait lancés, avec une infinie délicatesse dans les mains,
Pierre Miquel, l'historien du survol des mille et une Craonne.

Bois de foi des ors gelés