mercredi 24 septembre 2014

Hejsan Françoise-san

Hejsan Françoise Sagan
À Paul Edel qui nous fit redécouvrir James Salter
un an avant tout le monde sur son blog.

Kära Fransciska,
345__Les gens de métier, ivres du sel de la peinture des plaisirs de l'été, aiment toujours vos livres et pensent à vous quand il leur faut passer le pont de l'automne à la fêle du souffle de son équinoxe, connaissent par double paire de coeurs, explorateurs de serrures et de huis, les chemins de jointure des étiers de vos romans, comptent sur leur pouvoir évaporateur, misent sur la battue nouvelle, dans le bel heurt mat du pas du cheval, des cartes faussées à la pelle, élongées à la louche, de l'atone intox qui pend dure comme le buis, lorsque l'envie de vivre au soleil d'autres bassins, de fuir les entrées d'air chaud à la bouche du réacteur littéraire (cisaillant du bruit sourd de ses éléphantes turbines, finalement très proche du labeur d'un silence, le ciel littoral pincé jusqu'à la déchirure, décollant au sifflet le liège des canaux et des biez des nuages gelés dans les moulins de pièges trappeurs des ranz de Rousseau dans l'enfance du vent d'une musique aux faibles amures), décante les désirs de sèves à la gorge des aunes. Les hante l'idée de sonner, à l'horloge délivrant les amours salines, l'heure démiurge que vos tables saunent.  
Tout le monde sait votre sensibilité à la lumière de l'automne, la ronde d'un cheval bai, -- devant les parieurs studieux d'octobre, têtes ailleurs, sans soucis, veuves de leurs débours, le voile d'une robe isabelle les lavant de la sueur des galops intérieurs de l'opprobre --, tâtant sa fébrilité sur le sable du pesage, tenait dans votre qui-vive quelque chose des salmones qui remontent vers les fleuves, aux rivages, comme sous le sabot d'un flyer l'étroitesse de l'équilibre des chromes du feu des anciens phares, sous la quille d'un bateau la tresse d'un éclair blanc fendant par l'étambot les bancs de poissons dont l'éclat des écailles à leur sveltesse n'est jamais transpercé par l'épars, de l'hippodrome de Deauville à l'estran de Cabourg, votre oeil remplissait les orbites du ciel normand d'images neuves jusqu'aux creux intimes des paysages de ses hautes salières. Capée dans les amas stellaires des villes, comme une ourse sur le kilim des épaules d'un aurige immobile, détournant les rivières du récit de l'embarras des embâcles, vous glissiez sur les merveilleux orages de la vitesse, que vous enviaient, dans le secret habitacle d'un mime tranquille, bien des voitures de course étrangères.  
Vous refusez qu'on vous donne de l'altesse, les pieds au milieu des cercles qui les tanquent, et tenez dans vos mains le rôle de la banque, gardez manuscrite la preuve de la dette que le pays contractait les doigts sur l'écrou de sa jeunesse, c'est vous qui apportiez à la France de mille neuf cent cinquante le desserrement du précieux temps jaloux, plus précis que pressé, des "années sveltes." Le grand saunier de la céleste praxis du style vif mais dense, l'américain James Salter, capta ce fluide apollinaire de bonne lance et en fit peut-être l'une des sept sources de son étang lorsqu'il écrivit, vingt ans après, au coeur des septante, Light Years, muid parfait des manières d'écrire dans les marais des bréviaires, à la lyre du copyright contemporain, au volant des vélins d'abondance. 
La témérité de votre élégance, qui n'eut même pas à jouer les secondes natures, forçait les chemins de la liberté prise à l'avance. C'est elle que vous reversiez, sans montrer les cicatrices des accidents commis, l'âme épiée nue, dans les vapeurs d'apnée et les fracas de bouteilles déprivées d'air comprimé, alors que vous négociiez votre vie au fin tourment des vices de viroleuses ratures, dans les verres de vos amours ou de vos amis. À la cadence d'un à tout' berzingue qui négligeait le secours des élingues pour se relever des ivresses où vous avaient plongé les encres détentrices de puissants pollens, aux mille tentacules de parfums virulents comme des filaments stylaires issus de la fleur de sel d'un rêve enfoncé dans la résurgence d'un esprit rimbaldien galamment sédimentaire, tout à votre création vous les notifiiez des dangers et, depuis la barque d'une illumination, balisiez le chenal de leur détresse.
Des gens disent que vos adjectifs déferlent, qu'ils bombent vos textes d'une trombe de paroles convexe, mais Emmanuel Berl aimait bien leur vitesse ascensionnelle, moi j'admire la valeur du tempo de vos verbes perfectifs qui dévale les pentes du bonheur à l'adret des ombres du malheur, là où vous désirez qu'elle retombe. Grand Minuit ou Middagstid, votre style montre un sens du plein et du vide inné très dans la manière chinoise que guettait Hiroshige dans ses estampes, montées, descentes, dans les before et les after de dîners et de fêtes aux fastes liquides qui faisaient battre les tempes, l'une ou l'autre des cinq voies du Tôkkaidô, pour l'accueillir semblaient s'être liguées. 
Salter, qui s'arrange peut-être pour décrire les paysages et les saisons comme s'ils étaient des cuisines ou des intérieurs de maison, les chambres et les salons comme s'ils étaient parties de canyons ou de vallons, et la sage beauté des femmes tirant à elle avec infini tact, comme un panneau coulissant sur la tranche, la barrière de ces deux natures étanches franchie du pas souple de l'étrange culture propre à son sexe, comme si ses anges mettaient les trois mondes en contact, lorsqu'il nous l'offre, marchant aux colonnes de Rome et Paris, arrêtée sur un lit prête à faire l'amour (sprawled in her clothes, c'est beau), ou préparant le repas qu'on jugerait toujours du nouvel-an, comme aujourd'hui en somme. 
Dans Light Years, on voit Nichi, une jeune japonaise qui n'a lu ni Proust, ni Pavese, ni même entendu parler de Gurdjieff, perspective d'un grand malaise pour vous, et de prompts arriverderci, ouste, sayonara, aucun grief, décrite exact reflet de Miss Golightly, vive chair de Blake Edwards, souple et légère sur les pas des chats errants amoureux de Holly, small-boned, comme il dit, combien de fois aussi les journalistes de Paris-Match ou d'Oggi ont-ils noté votre félin aspect, mais c'est plutôt au sanctuaire d'Inari qu'ils auraient pu mieux vous cerner, vous rencontrer, sous l'arbre d'Ôji, "au rendez-vous des renardes", à la douce haleine d'une autre tchache. Vous ne leur avez jamais vendu la mèche ramenarde de ce petit-lait, c'est pourtant là que nous avions possibilité de voir filer les flammeroles des feux-follets de votre écriture aux célères bielles, que ne rencarde, sous le micocoulier de la particularité d'un soir, jamais le prêche de personne, par les sfumati et bokashi des étoiles de sel, cristallisoirs du kitsunebi que couronne le velours bleu soufré des nuits du ciel. 
Je vais aller voir s'en griller une petite les employées du Normandy, assises en tailleur sous un bouleau de poche, dans le creux de la façade nord, près de l'escalier de secours-incendie, qui donne sur la rue Hoche, en votre honneur avec dans la tête le souvenir du tout sur le 8 joué le huit août loin des manchots bandits, dans la chaleur du début de l'automne. La dernière fois les filles du lycée Maurois n'avaient toujours pas froid. It was a mild day. The summer was at its utmost there to last, comme une ligne de James Salter, traçant les signes que floute la lumière d'une borgata d'Accatone sur la route. 
The early Saganlitteratur was a beautiful day.  Hej priestess.
Photographie de l'Estampe "Ôji Shôzoku enoki Ômisoka no kitsunebi" (9/1857) tirée de mon exemplaire du livre de Henry D. Smith II publié en 1987 chez Hazan.