mardi 27 décembre 2016

L'Aube Rouge du 27 décembre 1917

Hominis Sovietici Perfectôr


To Эмачка and Jakub Rozalski
Кассандре
Я не искал в цветущие мгновенья
Твоих, Кассандра, губ, твоих, Кассандра, глаз,
Но в декабре -- торжественное бденье --
Воспоминанье мучит нас!
И в декабре семнадцатого года
Все потеряли мы, любя:
Один ограблен волею народа,
Другой ограбил сам себя...
Но, если эта жизнь -- необходимость бреда
И корабельный лес -- высокие дома,--
Лети, безрукая победа --
Гиперборейская чума!
На площади с броневиками
Я вижу человека: он
Волков горящими пугает головнями:
Свобода, равенство, закон!
Касатка милая, Кассандра,
Ты стонешь, ты горишь -- зачем
Сияло солнце Александра,
Сто лет назад, сияло всем?
Когда-нибудь в столице шалой,
На скифском празднике, на берегу Невы,
При звуках омерзительного бала
Сорвут платок с прекрасной головы...(Ossip Mandelstam, À Cassandre -- in Tristia de l'édition 1916-1920, décembre 1917.)

Je n'ai pas cherché dans le vertige spectral de plus hauts essors instantanés
Dessin de ta lèvre, incarnate Cassandra, tour de ton oeil,
Mais en décembre -- solennelle veillée --
Le souvenir nous soumet au supplice, passé le seuil !
En ce décembre de l'année dix-sept
Avons tout perdu, alors que l'on s'aime
L'anodin, gravement spolié au bon gré du peuple adepte,
L'autre, rudoyé, s'est grugé lui-même
Mais si cette vie devient -- délirium avant-poste obligé d'un pauvre fada
Et si les maisons hautes font -- forêt de mâts --,
Alors lévite, victoire amputée des bras --
Au-delà des borées et miasmes de peste et choléra
Sur la place près des voitures blindées
Je vois un homme : il
Effraie les loups, les met au ban en brandissant des brandons de rouge bardés :
Liberté, Egalité, loi, bill !
Hirondelle adorée, Cassandra,
Inconsolée, tu gémis -- À quoi bon
le soleil d'Alexandre éclaboussait-il la toundra,
Cent ans en arrière, labourait-il déjà pour tous ?
À un moment ou à un autre dans la capitale rendue folle, infernale,
De préférence un jour férié du calendrier scythe, sur les berges de la Néva,
Sous le règne tapageur du plus ignominieux des bals,
S'arrachera le voile de la tête de la radieuse Ева...

Zaum hat kaum geschlafen.
Bride sur les Atrides ou pas, on meurt toujours d'une façon cyclique, -- à visiter l'enfer dans la percolation la plus douce, accéder aux étages élyséens, souvent dans la dissipation la plus violente --, lorsque l'on doit fréquenter l'entourage immédiat des tyrans historiques ou celui des autocrates modernes, pour son travail, ou l'exercice de certaines autres fonctions.
On vient de le voir encore avec la disparition dans le ciel de l'ensemble Alexandrov.
Une sorte de quote-part de sang, goutte-à-goutte, aspiré depuis le piston d'une seringue, ou chasse-marée, sorti des tubes des écluses du canal de la Mer Blanche, hors purges, malgré elles de simples saignées médicinales, invisible jusqu'au bout versement de soi.
Mandelstam n'eut pas à prétendre s'excorier l'âme, il refusa que sa voix chaussât le sabot de bois, enfourchât par l'intérieur le taureau d'airain, comme le firent tant de centaines de milliers d'organes vocaux de substantifiques bureaucrates affiliés au canal médullaire d'un régime russe de l'époque communiste, prompts à tourner quarante-neuf fois la multifide dans la mâchoire, à retourner les microscopiques outres chargées des millilitres de salive, liquide de coupe des aciéries du mensonge, pour en peigner et déporter des petits crabes transparents (qui cachent en ces lieux clos à la lumière leur pauvres tentatives de symbioses avec les filets et filtres du semblant de sincérité), vers le Crustacéobidjan, vers l'est, Vladivostok.
Pas symboliste pour un un nickel de kopeck sur fond de lit d'étain, ni marinettiste pour une soupe avec le Duce, car pour lui un criminel qui jouit de la destruction des autres est un criminel qu'il faut nommer. Ossip dit ce que chante Mandelstam, ce dernier reprenant la pauvre pâte solaire de Khlebnikov dans la forge de ses images et fait, d'un astre noir, un soleil moteur des sourdes combustions du printemps.
Compositeur du mot sur le bout de la langue, il savait ce que les chemins de vérité devaient à la mémoire, dans le fin renversement de sa vapeur poétique.
Acméïste, cubo-futuriste, amoureux de Valéry, fou raisonnable du Shakespeare de Akhmatova et Pasternak, du Racine de Catherine, du Villon interdit de séjour dans la ville, penseurs allemands, esprits premiers de Russie, Scythes, Arméniens, croqueur d'Apollon du nord, Léto, Léda, il n'avait cure de la peur de ne point les connaître, il fallait qu'il les emportât. 
Les rencontra. 
La Victoire Sur Le Soleil, moment paradoxal que reprirent Lénine et ses suiveurs presque à la lettre, dans leur égarement à tous les sens, aux carrefours des sacrifices pour le plaisir, le détraquement de toute essence de l'être, les différents manifestes de la suppression de la liberté de vivre, l'orgastique drame orgiaque, spectateurs confortables assis dans les fauteuils d'orchestre noir des Kremlinades de leur Rome organique, vraie Troie tragique à observer par accident comme ça depuis les éclats de miroirs trouvés fumant sur les plages à feu et à sang de la taïga dix fois calcinée, là où s'évaporèrent les corps et disparurent les âmes.
Ils nous donnèrent la fusée Vostok, via Soyouz et les conseils pris aux plans nazis récupérés pour Korolev, ainsi qu'opérèrent les USA, puis s'arrêtèrent là. Des Soviets partout. Kamen'. Au ciel comme sur le tchernozium.
À l'égal de l'Anton d'un film de Alekseï German, qui découvrit qu'il n'était pas si dur de devenir un Dieu moloch lorsqu'on est du côté du Rien. Dans leur éruptif moment d'anticipation, Mikhaïl Matiouchine, Vélimir Khlebnikov et Kasimir Malévitch, sans le vouloir, ou de bon gré, montrèrent que newspeak et novlangue soviétiques, au sein de l'humus de terre brûlée qu'ils avaient ramené de leur triomphe sur le soleil, incuberaient à température idéale longtemps après la chute officielle du communisme engendré par l'année `17, mangeur d'hommes de paroles, dont la noix du culte, solennisé dans les lointains ou applaudi sur place, par tous les idiots Kominternationaux, maîtres-dévôts ou simples organismes protractiles, de l'encore et toujours Aeroflotté Nebel aujourd'hui, et son pouvoir de tergivermination, semblent intacts à l'aube rosie de 2017. Exactement comme l'avait dépisté le jeune moscovite dans son poème du mois de décembre traduit plus haut. (Tapé sur Flickr, le 23 décembre 2016.)  
Karakozaum Liminaux eugénistes du soleil Minuscules Empédocle des holocaustes en chambre et des futures dantesques hécatombes Le décrocher Solarir comme on alunit aterrit Soulager les Nouveaux Icare de la risée du monde occidental Baladins magnétiques Der Zaumerflöte Ein Zaumerspiel Nebelsraum mit a muter Akustik Y'a-t-il encore des pierres à manger sur les étals du Goum ? Tristia They make you swallow the stones of gloom, touch the doom they made you borrow from them Gummi Cave Kauen Des Gris des Noirs des vacarmes de Budakh The Fool by the busload Twenty million Ivan Guildensterniakov and Ivan Rosencrantzovitch Are Dead Revint un seul Don Rumata
On entend les enfiévrés de la troupe commémoratrice d'Octobre 1917 faire tourner les diesels de son aube rouge. J'ai dans la tête le bruit des plumes du coeur de Mandelstam. Il sera mon seul T34 du silence (avec ceux d'Ematchka et Jakub, deux merveilleux peintres conducteurs de la chasse aux nouveaux loups-garous du clan totalitaire) pour l'année, et m'emmènera loin des pseudo-néo-Décembristes trop heureux de retenir à quai les zodiacs percés de leur révolution qui ne cesse de revenir les pieds napalmés bien au chaud dans les pantoufles tièdes et humides de son cerveau de plomb.




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