jeudi 1 septembre 2016

Antun de l'Ankou au titre de l'Automne qui s'approche

Puissance du dit laconisme
ou simple beauté cachée du fait écrit 

Pour G. D.
Denen hat keiner o Gott                    De celui qui ne causa oh Dieu
ein Leid angetan                                 de mal à personne
sie rächen sich grausam                    atrocement ils se vengent
für ihre eigene Angst                          et se payent sur la bête
                                                                de leur propre épouvante
und sie morden                                    ils assassinent
wie’s gerade kommt                            un peu comme cela se présente
das Herz voller                                     le coeur rempli de terreur
Bangnis                                                  abyssale Angoisse à la racine
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Leben wie Gott in Frankreich, il faisait beau ce mercredi matin à la Maison funéraire de Senlis, elle reposait dans le cercueil, définitive mise en hier des protéines de sa défensine, son visage était mat sous la poussière des talcs mortuaires, veillait à ce que les petites vésicules cloquées du reste de ses souffles fissent une sociable résine, sa petite-fille, (ou arrière-petite, Sylvie, très jeune mère à l'époque, n'était pas là) choquée de sanglots, l'embrassait sur le front. L'une de ses sœurs pleurait. Certains de ses enfants attendaient dehors (nous nous revoyions, cousins, cousines, pour la première fois après vingt ans d'oubli, peut-être davantage, complètement engourdi par les retrouvailles, j'osais donner du Gilles à l'un des frères, le porteur du prénom pourtant cueilli dans la fleur de l'âge par un machinal et foudroyant syndrome il y avait des années), son fils cadet jouait pour elle en boucle, sur le piano électrique que le maître de cérémonie avait acheminé par une mystérieuse trappe dissimulée dans le châssis de son fourgon, Les Souvenirs de Banyuls sur Mer du Toulousain ami de Baudelaire, on allait bientôt faire préparer un tertre, le souvenir de l'élégant bienfaiteur à bave de Draco qui pensait avoir fait essuyer un phlegmon me quittait depuis longtemps, Dieu comme le ciel était bleu, une famille s'éteignait, une haute branche résistante se cassait et s'effaçait. La plupart des membres de sa dynastie habitait le sud maintenant. À cet instant j'essayais d'aiguiser aux silex des facettes de la mémoire les traces carbonées d'une ligne ou deux d'un poème que je pourrais transmettre par le cœur et l'esprit à la belle G. disparue, allongée devant moi dans le sarcophage d'un ivoire de satin, mais ne retombais pas sur le nom de l'espèce de psaume du poète, dont une édition allemande nous soumettait l'anthologie ces jours-ci, que j'avais en tête. Je me sentais aussi vide que très bête, plat et muet comme un tableau-écran de la chaîne Ikono que je regardais quelquefois tard dans la nuit, -- un canal où foisonnaient les artistes, souvent contemporains extrêmes du présent, un actuel dont Skàcel se fit honneur de poursuivre le langage et les formes jusque dans les forêts de la dahu-bitarde de cette fameuse Unmittelbarkeit. La Critique s'y entendait pour la mesurer, toujours pressée entre les plis et failles de sa robe d'indivisibilité -- de temps à autre nûment très bons. Je le sus trois jours après par l'entremise d'un article de la FAZ. "Ohne Titel", le bien armé, perte déjà dans le fruit et chromosome amnésique d'une mentale anaphase. (Pour quel motif aller lire la fiche de vie du radical grand Dichter Jan Skàcel sur Wikipedia, alors qu'elle ressort par la bande dans les romans et essais de Milan Kundera qui en parle avec beaucoup d'âme et d'autrement sensibles rebonds.) J'en propose une modeste traduction en regard plus haut, peut-être en mettrais-je une autre demain, selon l'humeur changeante comme le visage mobile de la mort qui ne change pas tout en ne restant pas le même dans les grottes capucines sous-marines de la ville de Palerme.
Jan Skàcel connaissait la puissance des forces de mort, au même titre que Havel et Kundera, le régime ne leur épargna pas grand'chose.
Philipp Ingold, son traducteur allemand dont je reprends la version qu'il donna, raconte que l'effort de résistance fut tel qu'ils gardèrent souvent les traces intimes, autant physiques que psychologiques à leur tour également, du pouvoir de cette métamorphose. Sachant le vieux Skàcel atteint d'une maladie pulmonaire gravissime, il ne se retenait pas de lui aligner les chroniques leçons au sujet de l'éternelle cigarette qui pendait à son bec. Jan Skàcel le regardait comme depuis la tempétueuse porcelaine d'un petit réservoir d'encre noire puis oscillait de la plus fine lame du souffle que le corps vêtait encore de son calame. Briseur de trêves des vents des impasses et rues de la Prague de Smetana, de l'Ostrava de Janáček.



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