vendredi 8 janvier 2016

Ah Dieu, que les orages d'acier étaient jolis

452_ Ludwig, in den Stahlgewittern


In der Nähe, in der Ferne

Secteur de la Vesle dans l'Aisne.
Im Osten nichts Altes,
Par deçà le rien nouveau au bal interdit, son altesse
la grande nuit des mots
in der Farbe Blau
coule hors des veines
de Heinrich Heine
dont le nez coupé saigne d'abondance dans les sédiments des eaux de vitesse.
Ah Dieu, comme le Rhin n'en menait pas large,
Les faisans se pendaient à leurs pennes,
des rives aux peaux sèches ne décollaient plus les barges,
plus personne ne voyait aux barbules des nuages
dépasser les bouts de plafonds éclatés de soie sauvage.
Das Dasein Gottes.
Le bleu horizon, Frank-amphibie,
dévale depuis l'amont d'une espèce de Lépante,
et sème à la nage les vaisseaux de petites graines
d'une future forêt à tout jamais germante
née pour séparer les Gallo-romains des Franken.
Blutstrom pariétal,
dans les grottes enterrées surgissent les inscriptions
d'une étrange bataille fluviale.
On ne discerne plus les Aragon
de Soucy, vers Soisson, jusqu'à Thaon-les-Vosges,
les noms s'effacent sur le nécrologe. 
Concussion:
Trois fois submergé par la vague de terre, trois fois miraculeusement sanctifié dans la réémergence, les trois journées du Christ-roi rétractées en une seule, perte de la plaque en fer, aller-simple vers le retour à soi depuis les dessous de la meule gisante, après la gagne d'un voyage au bout de la nuit du pays des morts. Les mouvements des boyaux de la glaise connaissent aussi les trépidations du côté coeur.
Rejeté, pondu de nouveau, refaçonné, bizarre parthénogenèse, saint sué par les mottes, à l'écart du Barbusse de mauvais aloi, croix du moi rapetassé sous la capote, croix de fer dans les bottes, s'il s'aimante, il ira faire la manche dans les trains dadaïstes de l'enfer blanc avec les singes en hiver.
C'est la même chanson avec les admirateurs d'Aragon, on a beau les admirer admirer nous-mêmes, visiter les ateliers de soierie de leurs blogs studieux où gonflent de subtils cocons vibratiles, on se retrouve devant l'éternelle image pieuse qu'ils révèrent à l'étau de leur bel établi. Les biographes n'y pourront rien changer, quoi qu'ils fassent, leur part de travail sera donnée aux anges chargés de nourrir la chrysalide et de polir, sous l'eau des rêves de leurs maîtres cultivateurs, la subimago sublime.
Ce n'est pas chez eux qu'on rencontrera un Louis Aragon, connaisseur de toujours, malgré ses vingt ans, de la culture des hommes de Ludwig der Deutsche, chauffant son âme au feu guerrier, remportant des concours de beuveries dans les tranchées, devenant le lieutenant préféré des gars de sa compagnie.
Ils choisissent de le mettre en concurrence avec le cuirassier à pied Destouches. Lui sait se conformer. Tout comme confirmer dans l'horreur, la vilenie, le désespoir, le pétrissage de sa glèbe naturelle d'homme de droite.
C'est aller au plus court, laisser dans l'ombre toute la part de socialisme négatif de l'écrivain Céline, débecqueté complet par la vie à l'américaine promise aux hommes, nouveaux-veaux d'après-guerre dont se moquera fort courtoisement le facteur poète cyclographe de Jacques Tati en 1949.
Aragon s'offrira de se voir définitivement perdu à lui-même, enfin, lorsqu'il feindra de découvrir une tombe militaire à son nom, un certain Jean-Baptiste (prénom du possible arrière-grand-père Massillon) le mouchant du sol des vivants. Fausse perte, bien sûr, morte en couche. Moment paradoxalement résurrecteur qui lui fera relever le gant et prendre une bonne fois pour toute la place du mort Vaché à droite de l'habitacle de la Mercedes qui roule à tombeau ouvert dans le coeur d'André Breton.
En souvenir d'Apollinaire, pour complaire au cher André, ah Dieu, qu'il ne fallait surtout pas dire que la guerre fût jolie. L'ennui des casernes vécu jusqu'à l'engorgement des oreilles en 1919, fournira un socle idéal au paraître sincère.
Le changement de panoramisme derrière le pare-brise de la conduite surréaliste, le mode automatique de la boîte de vitesse, cerclaient les esprits comme la glissière d'une route de montagne en gaze de coton s'enroulant autour du front du roi Guillaume, et tombaient à pic pour parer le goût des précipices romantiques partiellement allemands. Les vivants à crédit pouvaient être tancés au lance-flamme, les surréalistes s'engager dans les Corps-Francs de la lutte contre le gâtisme entartrant de ses dépôts tous les virages des artères, incendiaires des champs de la littérature à magnétisme et pâleur bleus, fouleurs des raisins de l'ignoble pourriture, Anicet et Louis virent que tout cela était bon. Les murailles pâteuses replâtrées de nougatine en colère étranglant le Ring de la vie changeable, les créneaux sucres d'orge perforant la gorge du donjon caramel fondu du monde transformable, enduits de crème chantilly solidifiée de frangipanes gâchées à la truelle par les maçons de Moscou-la-gâteuse, seraient prêts à s'écrouler au son de la clameur d'un clairon dépourvu de quant-à-soi con sordino. Les Gide et Céline de retour d'URSS moribonds n'avaient plus qu'à bien se tenir à l'abri des parements de leur Paris fabriqué à la chaîne au pays de Canaan.

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