lundi 10 août 2015

Lancaster Lew

413_ Le Lieu du Lancastre
Lugar caster


Sans rimes ni raison
To Ian Chatterton

Quend, le 30 juin 2003. Alors que je sortais par le chemin creux de la haute dune blanche de l'orient des pannes pour déboucher sur l'estran, passée la hanche de l'erg hydraulique dont le premier socle coquillier, souvent jonché d'osselets coupants comme les désertes des lisseurs de drap du Nord, couvert de cloques d'algues noires au squelette desséché, pousse la plante des pieds à épamprer de ses segments la plèvre de la plage qu'une soudaine ardeur trépane -- course que l'on ne soupçonnait plus chez soi --, je vis surgir de nulle part, c'est l'impression que le plan de cette motrice dérogeante me fit, un Avro Lancaster volant à midi, l'axe de sa loi, mordant cantilever violemment à l'aise dans le magistral écart d'une surprise qu'il savait faire éprouver à l'inconnu marchant en équilibre sur la charpente reliquaire d'un poumon chaud aux éponges aplaties, étrange creuset velours épave d'une imperceptible absence de menace peu congruente à cette touche mouvante qui s'encrait dans le ciel sans se dépouiller de traces ni abandonner l'empreinte de sa voile dans les demi-soupirs de ses nacelles et les silences de traîne à ses gouvernes, longeant avec beaucoup de malice la laisse de nuit qui déjà voulait l'effacer avant qu'elle eût mis fin aux fluides du jour décrivant son corps à toutes ses faces, bien qu'elle se fût pourvue d'un glissé sur l'aile bâbord qui lui faisait pointer l'air de ses ciseaux, loupiotes clignotantes pincées de rouges étincelles à son fuseau, pour le prendre de côté, par le traversant, à son dévers, comme une main ouvrant un piano, plume et gant disputés par des doigts visibles seulement depuis le ventre de la paume, aéronef noyau plein d'une élégante résine de Chine à l'aube de jais, gomme absorbée de la transparence dispersée des regards verticaux des solens, tout à la sève de leur sel, vol déchirant le coeur de mille ambiguïtés stationnaires, sans aucun pouvoir rétenteur musculaire, quille des bras ballante sur la Terre, rémanence éteinte des gestes huméraux, le radar des houilles à zéro, pas plus haut que treize mètres au-dessus de ce reste d'afflux de la Manche, dans les halos insensés d'un effet de sol furtif non saisissable par le céleret des yeux, fantasque stealth d'un autremer à l'aplomb de l'écume, là où cessaient d'émettre les fils couleur coquille de fines et tranchantes vaguelettes translucides mortes dans le travellage de leur soie, flots absents et vent léger, j'imaginais le pilote anglais, peut-être aéronaute retraité militaire amateur de vintage alaire, préparait-il la cérémonie des soixante ans du débarquement de juin 1944, ombre hôte portée d'avance, qui se déroulerait un an plus tard, était-il membre de la RAF, l'esprit se réfugie dans la latance par peur qu'on le désactive et prend la tangente, réveille en soi les rêves les moins migrateurs dont les acides aiment se tenir proche d'une conscience de méduse toujours possible (pourquoi nier l'utilité de ses tissus, idéale colle des membres rassemblés en vue de la résurrection de votre avatar ?), ou de celle d'autres animaux acalèphes, mais déjà le ronronnement des Merlin, quatre moulins de Spitfire, encastrement divin de leur souffle jusqu'aux ailettes rondes des ailleurs, propagateurs de la transformation des amulettes du son au bord de fuite des souvenirs de l'échine, la voilure au film extraordinaire, focale à tracer de mémoire ce qu'elle seule semblait connaître dans le tramage des hélices captives heureuses de tisser un bout du ciel qu'elles exposaient, sans qu'elles s'en soucient, tel qu'une outre volante, kilim d'un monde aux azurages de lapis les plus intenses, parties d'un infini véla, m'apparurent comme un mystère assombri de son propre mirage que le magnifique été sobrement orageux, sans cesse naissant à dix-heures du matin, refusait de déchiffrer, l'attention déchirée, chaînée à la carcasse d'un bruit spectral en direction de la pointe de Saint-Quentin en Tourmont, le carrosse aérolithe acquiesçait à ce que je le cernasse comme une bête suitée vers le grand nez de l'anse par-delà la sente Royon grise et rousse comme le duvet des veines carénant le retour du sang de tadorne bleu d'une joie sèchement amortie, avait-il abattu son jeu dans le Grand Slam de la percée des barrages, granulé des quartiers entiers de Hambourg dans le verre ambré de fioles qu'il souffla hors les armoires d'un pharmakon sans merci, dans un maraudage magique, en compagnie d'autres lucioles, l'un des grands-pères de la famille anglaise qui me recueillit était paraît-il rentré mutique d'un raid sur l'Allemagne, cela durait encore en 1980, sa femme nous priait avec les yeux de ne pas nous en faire, nous ne devions pas jouer à la guerre devant lui ni lire tout haut Whirlwind, une bande dessinée trash sur les pilotes de la bataille d'Angleterre, il avait la plupart du temps tête baissée, il ne se démarquait du camouflage de ses épais cheveux blancs que pour nous signaler des racines dangereuses affleurant sur les sentiers lorsque nous courrions, son petit-fils et moi, dans la forêt. Sa fille avait épousé un aviateur qui nous emmenait voir décoller des pistils et des gramens de Maidstone un Supermarine restauré dans ses pollens, quelquefois nous poussions jusqu'au terrain de Lydd lorsqu'il désirait prouver que son île native flottait dans les nuages et que le plancher, duquel nous n'étions pas vraiment partis, auquel nous ferions semblant de retourner, n'était qu'une vibration passagère, l'artifice d'une tension que le miroir du ciel accordait de refléter comme part du réel, prise à l'ame du sifflement sourd de chaque envol de nos vies aux instruments. L'avion avait dépassé la vue maintenant, so much awe by me only due to so few.

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