mardi 6 août 2013

Mon test impromptu, au jeûne rompu, du Kobayashi Maru

235__L'aiguille de l'horloge analogue à une quille renversée ne marquait plus le rogue midi et demi. Le repère était dépassé, les papillons dans l'estomac voguaient en plein dans le mille du champ de mines que l'adversaire avait farci. La faim, à l'heure de faire son lit dans le cerveau leste, m'avait dans l'urgence convoqué sur le pont de la cuisine, me mettait en demeure de faire le chef, et les bons gestes de la cuisson aux instruments, me mitonnait une énigme palimpseste accommodée des restes du dernier test, la nourriture terrestre jamais ne ment, malgré toute l'envie que j'en avais on ne pouvait pas dire, même si j'étais "à la mine", que "c'était l'usine."

Cinq pommes de terre plus tard une petite flotte de féculents frottés au gros sel rissolait dans un wok lubrifié d'une mince flaque d'huile d'olive noire grêle sur la paroi lisse comme le lézard sur le roc. Badigeonnées d'un peu d'ail, dans le roulis du secouement du stir and fry, elles avaient été coupées en quatre au couteau selon un souple schéma en croix mais leur dessin ressemblait beaucoup à des petites pirogues à fond plat, la proue, et sa jumelle en poupe, relevée à l'extrémité comme l'est la pointe rétractée d'un doigt.

J'avais, en bon fricasseur et à l'encontre des préceptes de la voie du wok les plus orthodoxes, choisi d'étouffer la caldera de la poêle d'un couvercle inox pour accélérer la fonte des molécules d'amidon à coeur, en prenant soin d'éviter tout effet de boil sourd et traître comme le roux des sucres lents de l'oint d'un firefox au poil de feu plus malin que moqueur.

Alors que je décidais de remuer le sombre puits -- dont les flancs légèrement robés à la graisse d'oie luisaient dans la friture comme le suint d'une sidérale nuit --, avec une longue cuillère en bois, tout en tenant le toit brillant, naïvement improvisé, dans l'autre main que je n'avais pas glissée dans un gant, à peine l'action intentée terminée, qu'une patate sauta hors de la ronde du wok sans que je m'en aperçusse le moins du monde, avant sept ou huit clandestines secondes.

La voilà retombée vautrée sur le ventre, telle le fruit d'un verger alien, à gauche des boutons de commande du gaz, dans l'ombre de la chaleur de l'antre, elle semblait toute à son aise étrange dans la phase d'abandon qui était la sienne.

À cet instant je sus que j'avais peut-être vaincu la malédiction du Kobayashi Maru, la petite pirogue retournée dans un saut de l'ange rapide aurait-elle le sort dérangé ? Et figurait-elle par chance le vaisseau mis en danger par l'intrépide équipage de son impardonnable crew...

La miraculeuse extraction des entrailles du wok réussie par la ténébreuse patate téméraire animée de l'esprit d'un US ranger à la pointe du Hoc, tenait-elle son ressort du génie d'un précieux coup de patte volontaire gorgé de hasard juteux, ayant, chargé d'électrons imprécis, fusé dans l'air, ou de la grâce de la pousse en moi des invisibles pavillons en or de monsieur Spock multiplicateurs d'essence pour l'ouïe?

Il était midi et demi, nous étions le six août, les Klingons, pris dans la tenaille de leur pulsion d'appétit, pensaient dresser la table sur mon bidon, me percer l'armure et la maille de leurs couverts en ferraille, j'étais l'éternel cadet de la leçon, qui ne savait pas qu'il passait un test grandeur nature pouvant une fois pour toute faire franchir la grande barrière de corail du doute à la candeur mature qui l'habitait depuis toujours et tournait à vide comme le gâchis du mouvement perpétuel de la pauvre roue

de son Kobayashi Maru.

     O