samedi 21 janvier 2017

1955 - La Disparition de Luis Ocaña

Call of the Menté Pass



My favorite cyclist of all time.
(Sa légende, comme un banc de sable du soleil, lente comme l'Histoire de la Loire.)
Un grand O, H2Ombre en eau libre hors des cadres et cadrans des bonbonnes de la clepsydre du temps.
Avec Gimondi, quelquefois Anquetil, d'autre fois Moser, Pingeon, Fignon, Petit-Breton souvent, le toscan Bartali, le Campionissimo grimpeur des pics de la solitude Brunero, l'éternel Dogon du cycle des saisons des amours Belloni, le Grand Blaireau de la Gitane-Campagnolo, Bugno (qui à mon avis lâcha sciemment l'affaire car il en avait trop vu), Knetemann peut-être, le seul gentilhomme du grand Palio des Pyrénées et des Alpes.
À huit mille mètres au-dessus de Delgado Robledo, dit le dahu volant de Ségovie, pseudo-ravi du Tour qui prit les organisateurs pour des broutards sauvages des neiges de culture éternelles (à ne pas manquer d'air, ce qu'ils étaient) et les journalistes queutards du mensonge bien comme il faut, Chancel, Holtz, Chêne, pour des suppositoires contraceptifs marginaux moulés dans la pâte de levain et les excréments de crocodile du Nil, à deux Eiger au-dessus de Indurain, l'ex-porteur d'Eau de Ventoline (un parfum clandestin de Villava fait de poudre de poumons concassés extraits de mouflons étouffés au bandana rouge), dévoué mollet et rein à son patron Pedro.
Des journalistes qui poussaient la sornette sur le grand plateau afin de sauver les apparences de l'officielle narration en ligne, seuls le radio-reporter Brouchon et le philosophe Sloterdijk gardaient précieusement au chaud le sens de leur métier.
El Señor Luis avait sa dame en noir et n'en faisait pas des tonnes de mystère comme il Signor Coppi avec sa Bianca.
Il disparaissait du palmarès à peine la course remportée, s'évanouissait dans la forêt invisible du contre-la-montre, laissait la mousse des troncs des pins Sitka ronger les tubes d'acier Vitus de son cadre et manger l'ombre en barre réfugiée dans les sortilèges de leurs creux, rustinait ses boyaux crevés avec de la sève de roseau et quelques brins de salive qu'il chauffait jusqu'au point d'émanation de la gomme entre les plis de la paume.
Après la chute, insensiblement relevé, il regardait la pluie diluer les radicelles de son sang sur le bitume qui semblait saillir comme un muscle pour offrir les fibres de sa pellicule moite au réseau suintant des nouvelles veines grossies de sa contemplation pétrifiée. Des minutes fuyantes, fines et longues, effilées comme des lambeaux d'écorce de bouleau, fluidifiaient le nord vitré de son regard ferré dans les aimants des spasmes d'un accident dont palpitaient encore quatre ou cinq éléments d'étincelles éparses.
Il apparaissait que toutes les stratégies de la tragédie des hommes vapides auraient pu tenir sur un seul morceau de ces robes blanches, ainsi qu'elles le faisaient depuis les temps immémoriaux dans des billes d'ambre.
Au brouillard de sa tête ses cheveux dégoulinaient et cherchaient, dans le fracas des eaux brutes qui bavaient sur la route et l'avalaient de leurs brisants, une autre respiration, un point d'élongation terminale, absolue dessiccation lors que les portes de la sublimation restaient fermées, sous la flagelle des atomes de l'orage même, dans la sudation des phares aux cils jaunes des voitures suiveuses.
Luis voyait, comme cela se produit quelquefois chez lui pendant la sieste après la collation du soir, à mi-chemin du rêve dépouillé de sa narcose, le noir d'une police Georgia imprimer sur le mince feuillet blanc un mot qui condensait à sa surface toutes les fumées des Queequeg du monde.
Il ne se souvenait jamais de l'exact assemblage des lettres, ni de l'ordre des syllabes, avait une vision générale de la substance signifiante sans pouvoir en harponner le malt unique.
Il savait qu'elle tenait en elle un ;,noi;, un ,;poi,; un ;,koi,; préfixes ou finales, un avoirdupoids sans masse aucune, une perquisition de porque te vas, un je-ne-sais-loi à double résonance ou non, non, rien à faire, il ne pouvait se résoudre à ce ;,pourquoi,; pauvrement lacunaire qui venait alléger les impossibles pauses de la mémoire lapidée.
Il s'assurait que les différents liquides des ampoules de la route en avaient fini de leur course folle vers les perfusions cavernes sabrant les rivets à bouche de sangsue du jersey de sa chaleur corporelle.
Heureux de cette station qui à nouveau l'exsangue, il remontait sur le vélo. Presque sectionnée, la chaîne musculaire le flageolait encore, la graisse de l'eau avait tout nettoyé des os de l'épuisement.
À son abdomen il rassemblait les restes de calcium indivis et, du miracle d'il ne savait qu'elle pointe rechappée, trouvait les derniers sels de métal, substance amère absorbée par les hélices de l'ancienne force, dont les fils d'ivoire depuis le cran de son esprit, dans la résiduelle et ridicule concentration de ce pulvérin central, aspiraient à leur colonne de poussière les ultimes sucres de la vie.
Dégâchait tous les pênes à la porte hideuse de la politique. Combles des rappels de la descente, ravins tailladant les précipitations de sa fin, la forêt s'affalait, tous les arbres s'écroulaient derrière, à la proue de l'onde, froide signature du sismomètre de la cage thoracique, la minuscule monture d'acier décachetait les parchemins scarifiés par les goudrons des indices du néant et délivrait la terre des encres gastes de tous les présages.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire