Caravane pour des habitants défunts

Comment ça va avec le spoofing spray
du black dog de la douleur,
Ray ?

Seigneur, pardonne-leur.
Je situai des rendez-vous à Lillebonne,
annonçai ma présence, par le crieur,
sur le vieux bassin de Honfleur, afin de limiter la salivaire empreinte carbone
de tous ces sonores organes vagaux, je fis passer au marbre de la presse régionale un tract d'humeur
qui disait que l'on pourrait encore me rejoindre, ultime froiduleuse Thulé, sur le remblai du festival du cinéma muet de Pordenone.
Peine de courre perdue.
Je n'allai tout de même pas lâcher sur les traces de ces Gaulois à braies les cerbères de la grotte d'Hissène ou les chiens truffiers de la ferme de Pat Garrett.
De Flandre maritime en Cerdagne, enclore pour quelques minutes de vie volée les sentiments des paysans d'aujourd'hui devint alors, sinon tâche désespérée, besogne fort ardue.
Peut-être les gens ne saisirent-ils que trop bien pourquoi je les arrêtai soudain sur le sentier pour les attirer dans ma charrette.
Ils durent penser que je traquais les Arnaud du Thil chez eux,
que je cherchais à contourner les impuissances des Martin Guerre
par d'autres moyens, que je m'ingéniais à démêler les coucous fugitifs des oiseaux blousés, et fourrageais dans des bercails idoines les bons œufs.
Il est parfois difficile de fracasser, à même l'ergot de leur éminence, les coutumes de l'instinct que l'on vante grégaire.
Toujours est-il que personne ne vint.
Lorsqu'enfin les infants paysans parurent,
voulurent immédiatement me porter défunt.
Perfunctus avant même d'arriver à mes fins ou d'avoir pu avaler les antidouleurs du manque de bigarrure.
_ Comment ça va avec les Toucouleurs ?
Me demandèrent-ils en pleurs.
Je leur dis qu'ils étaient toujours dans mes petits papiers,
que, des phoques du Cap de Klerk jusqu'aux méharis du Fort Lapperine de Tamanrasset, la porte de ma caravane animale leur demeurait ouverte et déployait pour eux le misérable seuil de son marchepied.
Guère convaincus, ils revêtirent à chaque fois leur pèlerine
et repartirent, tels des Job emboutis par les mirages, sur les routes
munis de leur pot-au-lait rempli jusqu'à ras bord des contractions utérines
que leurs épouses ne désiraient pas décacheter devant moi malgré mes promesses répétées de leur donner l'absoute.
J'eus mon voyage de leurs tétanies feintes et crudes simagrées,
Ces enfantillages me firent pousser les ailes de Cotton Mather,
j'eus envie de les allonger de force sur les bancs de mon Reisemobil métacaravane, improvisé lit de justice défait de bric et de broc, comme on en voit des milliers à Calais chez les immigrés,
de ville en ville sur-le-champ les obliger à comparaître dans l'échauffement de la conversation et les contraindre à m'offrir, aux pis de leur verbal pédalage, quelques gouttes de sueur électrique, mue famélique de principiels kilowattheures.
Non, trois fois non, le trailer de mon poioumenon prenait une rafale,
les gens n'acceptaient pas mon dispositif à trois bandes
tranchant la perspective en couches superposables à merci dans le cadre bicéphale.
Je fus de tout temps un cinéaste du monde désert et de sa contrebande.
Certains des paysans que j'échouai d'alpaguer
regimbaient adhérer à ce qu'ils nommèrent "ma pauvre typicité".
Ils m'expliquèrent trouver plus de chaleur dans le camping rétro vintage des années soixante qui leur permettait de divaguer, zigzaguer,
sur la Nationale 7 de leur enfance, que sur mon chemin de ramasse qu'ils taxaient de vacuité, de viduité.
Ils me lancèrent à la face que je n'avais pas le toucher de Rouch,
qu'ils eurent l'impression que je les menais en bateau
vers la falaise de Bandiagara lorsque je leur proposais de les entomofixer sur les plaques de ma chambre 20 x 25 perchée dessus l'écartement insensé de son piédouche.
Que je les prenais pour des Dogons décédés dans un funeste dégât des eaux
engloutis vivants à l'intérieur de cette toguna que représentait ma case à palabres montée sur essieu.
Sartor resartus arrosé par le travers de la maille de ses propres images, Teufelsdröckh de Ouaga tristement désartrisé,
je vis s'éteindre la source de mes daguerréotypes dans les interstices creusant en maints tréfonds les fondations du puits de Bloemfontein, à la glace d'un lustre maigrement auspicieux.
Les Habitantialistes de jadis étaient encore moins aujourd'hui ce qu'ils ne furent jamais.
Je crus pourtant l'espace d'un moment pouvoir tourner d'autres rouleaux
et les ajouter aux chapitres de mes Histoires de Mort des Villageois Français,
du Mali à Kandahar en passant par Djibouti, faire des fondus, les enchaîner comme des pendentifs autour du cou des albinos à grelots, fils de griots.
Je le croyais en tout cas.
Au lieu de cela, j'eus la sensation de décalquer à l'infini
la dernière scène de Sombre, le film de Grandrieux, des cieux obscurs de 1999 le mangaka.
Le Tour de France a radicalement perdu de son charme depuis le décès de Fignon lors de la dernière partie de critérium organisée par le préfet d'Abyssinie.
_ Qu'as-tu fait de ton Harar ?, m'interpellèrent-ils ensuite.
Statuèrent qu'avec ma terrine de Bourvil sous psychotropes,
je voulais à toute force ressembler à Rimbaud, que mon filet de voix trahissait le timbre pincé mais doux de Ménélik, roi du droit de poursuite
jusque dans les allées des jardins enfouis du Ras de la Maison Harkonnen et de sa garde prétorienne avidement véro-lycanthrope.
J'en vins à leur proposer des sachets de Dafalgan
que j'avais soutirés, âpre négoce, à des Afars et des Issas
pour un bon prix exorbitant.
Il me sembla d'ailleurs que je prenais l'habitude de me faire avoir dans les grandes largeurs sur l'axe Dunkerque-Nissa.
Je ne sus jamais ce que ces profils médisants eurent à mon encontre.
La raison pour laquelle, des lisières de mon arche de langue Moré, tous s'esquivèrent ?
Pourquoi, prompt berger, je ne connus pas les joies dues aux accoupleurs de troupeaux, aux brasseurs de lippes, aux offreurs de montres ?
Eus-je le gosier suffisamment pentu dans la promesse du passage de l'hiver ?
Leur fis bien pourtant miroiter Bouthan puis Tibesti,
Un instant je les crus claustrophiles, ils ne fuyaient que l'arrogante agora,
aux accents d'une belle intonation basse, que je piquais à Pierre Attaingnant en toute modestie,
je tentai de les adoucir en leur soumettant un projet qui les enverrait loin des quartiers tenus par les phasmes de la Camorra.
Vers Venise et la Giudecca, ils pourraient voir venir la folie,
gambader comme galopins hors les murs des pavillons,
nous irions rejoindre l'île dans cette même caravane grâce à Robert Dhéry
qui s'y connaissait en baigneur amphibie et en hydravion.
_ La ferme ! shut the frack up, toi et ta voix de bourdon.
Chouffe la douleur !, tu veux paraître te la jouer grand seigneur latifundiaire,
alors que tu sues ta race dans l'exosquelette de ta tenue de photographe de la sainte clémence sous la chasuble d'un improbable médecin des âmes et néo-Pantaléon,
tu nous empiles comme des sardines dans ton monastère
à roulettes, censures le faciès caméra, proposes de nous désaltérer de gouttelettes de rosée
que tu pends à dessein dans un coin de la baie de ta Sterckeman, ou Caravelair, en tôle électro-zinguée,
tu nous vois en fait comme les Abbies de Wayward Pines,
des aberrations qu'il faudrait rincer au lance-flammes dans une grande et longue troménie de doctes et pieux incendiaires.
On en veut pas de ton Lido, garde tes chambres lagunaires
pour les ressortissants d'une autre chair à caravansérail sous-marin, les narines apaisées dans le vent chaud et les cirrus alanguis des éthers de la novocaïne.
Roi bouffon, Re gracioso, curé des scurriles disparus dans les grossissements furtifs et les courants anciens des baïnes.
Je n'eus que le temps de leur adresser un inoubliable
Memento Mori !, par retour de flammes.
J'eus, comme noté plus haut, ma claque de leurs pendarderies inrayables,
me prit sourde fantaisie de gagner au plus vite le pays de Cham.
Aucun couple ne voulut s'asseoir sur mon banc de stabulation.
Comme souvent chez moi, dans le schwartz du désespoir,
j'examinai les solutions et m'orientai vers le Japon.
Le labo du docteur Ishiguro se dit prêt à me procurer quatre de ses robots, de toutes les couleurs que recelèrent autrefois à Salem les sorcières de la preuve spectrale, faisant reluire les sourires aux fentes de merveilleusement humaines mâchoires.
On n'y voyait que du vrai, touché, sons, cheveux, frissons, bouche des yeux, souches des cieux,
le naturel se vérifiait dans les épisodes périlleux et les crises,
pas un cil, pas une ride, pas une larme ne manquèrent, les vues se couchaient entre les plis de la peau des plus dévotieux.
Impeccable cybermaîtrise.
Littéralement confondu,
je tournai finalement mon film en deçà des heures indues.
Mon producteur soulagé tint à ce qu'un mortel ou deux
s'introduisissent entre les plans pour mouiller les prises et raviver les ombres sur les visages crayeux.
Jacques Drillon,
seul survivant digne de ce nom du pool des critiques de cinéma de L'Obs
obtint de faire une pige avec une perruque en nylon.
Bijou de déjanterie générale, participation à mon film valait bien d'autres McJobs.
Le téléphone se mit à vibrer dans l'habitacle de la Panhard.
Mon assistante m'apprit que c'était Télérama qui quêtait quand boucler le rituel article de foi qu'ils contemplaient sur moi.
Satisfait, exaucé, je me rappelai les reproches d'une journaliste de Causeur ou de l'Essor Savoyard
faits en 2010 après mon périple muet dans la France pontique des optiques obscures, bien assis sur mon quant-à-moi.
Elle m'avait taillé un short de scaphandrier dans l'acier le plus voluptuaire.
Ce film, devenu réponse à son interdite détraction, je le projetais aujourd'hui tel un chant d'harmonie salienne sur l'indissoluble écran androïde d'une loi fantastiquement mienne, et ripuaire.

Fanalité des derrières en foyer