jeudi 20 mars 2014

Post-sciptum animus tristis vobiscum

310__Sur l’affaire Louis, j’ai trouvé Caviglioli fidèle aux méthodes de son confrère Aeschimann (je pense notamment à la récente exécution du dernier livre de Finkielkraut sur l’identité française faite sous les auspices de critères exclusivement politiques avec de basses démonstrations de Kulturkampf gonflé aux hormones du plus pur des dénigrements confits dans l’argumentum ad hominem le plus total, sans jamais parler du fond ni presque de la forme, il y avait pourtant matière à vraie critique, ce livre pouvait être attaqué d’une façon plus noble.)
Prétendre partir à la recherche de « l’or du temps », cher à Breton, qui se cacherait dans les filons des mines de boues sordidement solides des familles bellegueuliennes, proches de victorieusement percer la gangue de la médisance et du mensonge, en les plaçant idéalement en plein hors champ des descriptions du jeune Louis, pour réhabiliter la maman et les gens du coin, était quelque chose de foncièrement insincère et biseauté dès le début.
Car cela prenait l’aspect d’un contrepoint ou d’un contre-feu artificiels. Renifler, pour la déjouer, une imposture, ne se fait jamais sans gymnastique nasale bruyante, les narines frémissantes ne vont pas bien au teint ni au visage du journalisme d’investigation littéraire inoffensif et inodore. En espérant exposer une enflure éditoriale le Schpountz Caviglioli conforte la doctrine éribonienne qui voudrait que la théorie sociologique prime sur la littérature, et même qu’elle la devance (dans une sorte de prophétie auto-réalisatrice bien pratique, comme cela apparaît écrit noir sur blanc dans la « bible » de cette école.)
Il y a encore trente, quarante ou cinquante ans, le livre de Louis aurait été celui écrit par un possible Mehdi Ben Geulah (le nom existe, un pote tunisien de lycée s’appelait comme ça, origines berbères et juives, comme le nom l’indiquerait peut-être), il aurait porté témoignage du racisme ordinaire de la société française comme on disait dans les années soixante, septante et quatre-vingt, Michel Drach en aurait tiré un film, Jack-Alain Léger aurait fait fructifier le retour d’expérience et rebondit d’une manière romanesque sur la personnalité de l’écrivain, en laissant filer la métaphore échappée dans la fiction. Claire Etcherelli n’aurait rien dit, Albertine Sarrazin aurait souri. Cela, c’était avant les édits religieux du prélat Eribon, véritable préfet de la Neue Denkfabrik du genre et de la pensée littéraire universitaire française alors même qu’il est « samarobrivé » à Amiens (le nouveau Limoges pourtant splendidement « romanogénique », sur le modèle de ce qu’on dit d’une personne qui capte bien la lumière), abandonné de ses médias anciennement chéris. Le livre de Louis n’est pas un coup d’édition mais un coup d’état universitaire sur la littérature, les paras théoricistes ont sauté sur Paris, les chars du défunt 501e RCC des arts de combat ont pénétré Les Lilas.
Mai 14 sera terrible.