mardi 1 octobre 2013

252__« Wer provoziert, schreibt. » Cela doit pouvoir marcher dans les deux sens.
Si Reich-Ranicki n’avait pas construit sa carrière de critique comme il le fit à sa main, son discours au Bundestag aurait-il pu prétendre à la portée qu’il réussît à atteindre ce jour-là dans son essence ? It takes two to tango comme disait le dernier Django à Berlin.

Il faut envisager l’homme dans son entièreté, la saisie de sa complexité est à ce prix à mon humble avis, c'est la seule façon de le pénétrer jusqu'au coeur de sa propre ressemblance.

Ses rodomontades étaient-elles quelquefois insupportables pour le public allemand pourtant transi ? Sans aucun doute, cela peut tout à fait se comprendre, les foyers de la contradiction sont pavés de briques réfractaires à la geste rétroactive de la bonne hérésie.

En France les caresses dans le sens du poil d’un Bernard Pivot étaient autant agaçantes, le système pileux des lettres françaises devint trop luisant sous la paume de sa molle férule en fer de guimauve frileux.

On était souvent dans un salon de coiffure le vendredi soir sur son plateau, ou devant notre pauvre écran de télé qui n’était pas encore totalement plat sous son antenne râteau. 
Beaucoup de laque, trop d’aérosols. 
D'infimes traces d'alcool dans les alambics qui jamais plus ne regarderaient en face le soleil des éthers de l'écriture aux veines épuisées, saignées aux quatre vignes de tout leur ergol.

Mais Pivot, cela reste peu contestable, nous offrira des moments forts, des plongées au coeur même de la littérature de la fin du vingtième siècle en train de se faire, se défaire, et de disparaître à l'ouest par le nord (les entretiens filmés de Simenon et Nabokov, le fantôme de Bukowski soluble dans le Sèvre-et-Maine en maître affable de l'évanoui paraître.)

Il ne lui manquait qu’un discours à la tribune de l’Assemblée nationale à l'occasion duquel il eût pu raconter son aventureux parcours de jeunesse, passé caché entre les allées d’un vignoble beaujolais, pour parfaire son ticket d’entrée au panthéon des critiques littéraires baignés de lait d'aînesse, ces immortels Dieux cajolés, et conforter ainsi un possible rapprochement d’âme avec le grand Reich-Ranicki. 

Il s'en faut parfois d'un cheveu. 

Bernard Pivot ne fut pas le Dieu poliade d'un grand 'domaine' littéraire français.
Si sa réputation fut magistrale, celle-ci ne s'avançait guère par la pensée, elle ne s'avéra pas pivotale et commence peut-être à souffrir d'un début de pelade dans la faible lumière du bel ajourné de notre futant aujourd'hui.