dimanche 12 mai 2013

216__Le  walser  est une langue suisse telle qu’en elle-même à part entière. Les traducteurs des grandes langues maîtresses de l’espace européen qui aimaient Robert auront pris le train pour Lausanne. Les modestes transducteurs valaisanophones, ceux de la vallée valdôtaine, ceux du Kanaltal, ceux qui parlent par habitude mochène et leurs voisins qui causent le cimbre, les tyroliens du Walsertal, ceux de l’Oberland, du Tessin, d’Uri, de Saint-Gall, sans compter les braves locuteurs de la vallée de Goms-Conches au sombre timbre, leurs cousins, ont tous tenu à rejoindre la rive du Léman en passant par les cols des montagnes jonchés par les vents qui frappent aux portes des glaciers balayées de sang blanc, à pied ou même sur les mains, en mettant leurs pas ou leurs paumes ou tout autre ustensile dans la neige éternelle des sentiers du silence, tous sont venus caresser la mémoire ductile de Robert, tous voulaient savoir tout taire sur Robert. Comme le fit en son temps Ötzi, le chasseur-cueilleur volontaire et aérien de textes valaisans walsériens dont on retrouva le douloureux corps gelé dans les Dolomites du Wagner alors qu’il était sur le point de faire sa livraison annuelle d’inédits à la communauté des lecteurs, habitant la plaine et souvent murée dans le Celan, de Robert Walser. Ne rien exagérer et ne pas en faire un frometon, les transducteurs valaisans sont sur place après tout, au-delà du gué au-delà du pont ils jouent encore à domicile sur le terrain de leur propre langue d'abondance mais ne pas prendre le train d’altitude de la traduction en marche est assez rare dans la corporation pour n’être pas souligné, chez eux la trahison de la parole du silence n’est pas une tradition. Déjà Lichtenberg adorait faire l’éloge des colloques valaisans présidés par des gens sans voix, des aphones ou carrément par des muets dont il manquait la langue des signes pour donner pouvoir de l'ombre à leur vaine expression. Robert le micro était resté débranché spécialement pour vous. Silencio, le beau silence vous parle, le silence vous fait. Et la démence du dolmetscher de Turin transpirait la confidence.