vendredi 20 avril 2012

116__Drieu La Rochelle, demi-dieu de l’arrache-hell , cherchant, dans une tentative désespérée, de retirer son coeur marron des feux du Götterdämmerung mis en branle par le cheptel d'Hitler et impossibles à éteindre à moins de se résoudre à la « totale » (mot épinglé par Klemperer dans son herbier des termes empoisonnés par la LTI) annihilation de son être même, c’est l’image pieuse que me renvoie le visage en métal de lune du Gilles de Watteau que cet écrivain à la mode-maudit offrait à la face du monde, en bateau sur les flots fatals. L’extirpation mentale et physique des horribles vestiges de cette pseudo-"Europe allemande" lui était Cité interdite, c’était reconnaître l’échec de trop, le chèque en bois de santal. Son suicide est d’ailleurs celui d’un grand stoïque devant la situation et les évènements en fuite, il est d’une précision psychologique imparable, il paraît difficile de ne pas lui concéder du courage dans l'exécution de ce dernier geste synthétique, celui de s’arracher son propre muscle cardiaque, d’être son propre sacrificateur Inca, qui veille à ce que le sang ne gicle pas trop loin de la tête toltèque, que la tache de sang intellectuelle ne soit pas trop étalée sur son bureau-bibliothèque.
Pour moi, ce Drieu-là est un prototype mal embouti (les premiers dessins de la 2 CV Citroën et de la Volskswagen, qu’on n'appelait pas encore « beetle », n’étaient pas si aboutis, ni jolis-jolis dans leur déni de sale gueule) d’un autre écrivain sorti fumant des décombres, comme le bébé tout frais que l’année quarante-cinq nouvelle-née attendait ; le Boris Vian du swinging 'neu Bau' Paris.
Un Boris vivant chasse un beau risque-tout sanguinolant, un beau villain du jusqu'au bout.
(ce Boris-là ne vécut pas si longtemps non plus).
Il eût fallu qu'il naquît à ville d'Avray pour ne pas finir en loup-garou de mars mort dans la Ville-d'Avrile découvert par le fil transpercé d'une épée navrée.
Je me demande si cette Pléiade 2012 n’est pas pour Drieu son « Tabou », son « Caveau des Lorientais » à lui, l'anti-zazou des prés germains passé sous l'autobus du tempo du beat américain.