samedi 16 mars 2013

205__Il existe un grand roman sur l’amour humain, le charnel et le spirituel (de même oriflamme), qu’il soit relié du cuir d’un amer requin ou cousu à vif dans la peau de l’amor équin, qu’importe l’anima de l’animal qui conduit la course éperdue des sentiments pâmés pourvu que l'on en ait l’ivresse des frissons de l’avoine ou du sel marin au cours de sa lecture, à la pâture de son rituel. Il existe des oeuvres résiduelles moins compulsives, et beaucoup plus répulsives à lire dans leur état factuel. Américain, armoricain, rouge et noirien, chambérien, hiérosolymitain peu importe son lieu de naissance même s'il n'est pas vain. Il se fait que dans le cas du roman en question, il est facile d’en tracer l’origine lyonnaise et parisienne. « Les deux étendards », qui date de 1951, fut écrit sur du vélin d’appellation « peau de chagrin » contrôlée, comme la mienne. L’écrivain s’est choisi de nous raconter l’histoire d’un « bizarre love triangle » (la petite musique de Mozart mêlée aux orgues de Messaline du groupe New Order, qui retentissent à tour de rôle, nous donne l’idée de cet improbable sous-titre), celui de Michel Croz et de deux âmes données pour belles, Régis et Anne-Marie, cette dernière voyant ces deux « aimants-là » tout prêts de se damner pour elle. J’ai commencé à le lire hier et bouscule l'ordre en moi établi (je ne vois pas pourquoi il faudrait s’en priver, tout le monde autour de soi semble le faire, avec Amazon point fr, plus besoin de nommer tout haut le nom de l’auteur, tout est velours et discret, de détour secret, la réédition de 1991 dans la blanche vous arrive sans trompettes ni tambours, vous avez le pavé dans les mains, vous devenez le maçon de vos propres décombres ou le moissonneur-voleur d’épis mûrs qui n’appartiennent qu’à vous, vous vous sentez à l’aise car responsables de vos amours, comme les chats américains le facteur sonne toujours neuf fois même si le paraphe que vous lui donnez en échange n'est pas rétractable en retour), tout se rassemble autour d’une histoire de " captation de la lumière pure " ou de "glissade impérieuse vers la fesse, la molle, la dure", voilà l'infracassable noyau à double cerneaux de la simple et biblique alternative à triple foyer dans le retable sans ajours. Tout le monde paraît redécouvrir Morand, Chardonne, et même Saint-Loup aujourd’hui, dans le signet de l'étant, tout est sang, tout redevient possible séjour. Cela ne m’empêchera personne de continuer à s’user les yeux avec lente passion, à la lampe de poche dans la tombée de la nuit, sous les draps clandestinement, à lire la somme sur la Résistance d’Olivier Wieviorka, ou de parcourir, sous le manteau des ombres conjugalement apiégées de Melville et Ventura, le « Tranfini et continu » de Jean Cavaillès dans le sombre, au coeur de son gras, mais la lecture au grand jour à ses charmes que le noir n'atteint pas. Le grand roman français américain (puisque « grand ») est peut-être un grand roman amer tout court, et tout tremblant.